“L’IA requiert une approche multidisciplinaire”

Publié le 25/01/2022 dans Inspiration

L’intelligence artificielle (IA) a trop longtemps été axée sur le seul profit. Pour prospérer à l’avenir, une application IA devra aussi intégrer les aspects people et planet. “Cela doit rendre l’IA accessible à tous.”

“L’IA requiert une approche multidisciplinaire”

Dans son nouveau livre ‘Homme versus machine’, Mieke De Ketelaere décrit trois grands défis posés à l’IA. “Nous avons environ 70 ans d’expérience avec l’IA”, indique-t-elle, “mais nous constatons que son degré d’acceptation stagne. Nous devrions déployer l’IA de manière plus adaptée.” Le premier défi touche à la consommation d’énergie beaucoup trop élevée de l’IA qu’il faut d’urgence réduire. La nature peut être une source d’inspiration. Un deuxième constat est que le champ d’application de l’IA est souvent beaucoup trop restreint. “Une application IA est capable de déceler un cancer en analysant l’imagerie médicale, mais rien de plus.”

Dans le développement futur de l’IA, il faudrait davantage miser sur la capacité de raisonnement pour assurer des décisions plus transparentes, estime Mieke De Ketelaere. Cela nous amène au troisième défi. “Lorsqu’un système prend des décisions de manière indépendante, il doit tenir compte de toutes les informations contextuelles et donc aussi des droits de l’homme.” Cela exige une autre approche de l’IA. “Avant, tous les modèles IA étaient axés sur le profit”, explique-t-elle. “Ce n’est pas une mauvaise chose en soi, mais les aspects planet et people peuvent maintenant être davantage pris en considération. L’IA deviendra ainsi accessible à tous.”

Vision plus large et meilleure efficacité énergétique

Mieke De Ketelaere fait ici référence au modèle doughnut economics. “Il s’agit d’être attentif aux différentes couches du donut. Lors du boom de l’industrie automobile dans les années 50, le profit était l’élément central. Les autres couches, comme l’efficacité énergétique (planet) et la sécurité (people) sont apparues plus tard.” Selon elle, pour prospérer, l’IA doit suivre une évolution similaire. “Nous ne pouvons pas avoir une vision trop restreinte de l’IA qui se résume à une histoire de données et de technologie. Pour obtenir le juste profit, une vision plus large, davantage axée sur les gens et les processus, est requise.”

Grâce à une vision plus large, l’IA doit être accessible à tous.

Mieke De Ketelaere, directrice du programme IA à l’Imec

Comment expliquer que des systèmes soient aussi peu efficaces dans le domaine énergétique ? “Ces 30 dernières années, nous avons paramétré l’IA sur la précision”, estime Mieke De Ketelaere. “Plus nous avons pu analyser de données et effectuer de supercalculs, plus nous avons construit de systèmes plus vastes de plus en plus précis.” Mais au fur et à mesure que le nombre de calculs augmente, la consommation d’énergie augmente aussi. “Cela fait seulement un an ou deux que l’efficacité énergétique est un paramètre qui entre en jeu dans le domaine de l’IA.”

L’IA n’est pas neutre

La mise en place d’un cadre légal pour réguler l’utilisation de l’IA est un élément tout aussi essentiel. “L’Union européenne a élaboré une proposition de loi IA européenne. Un tel cadre est important pour réguler l’utilisation des applications de reconnaissance faciale, par exemple.” Un cadre légal est nécessaire, car l’IA ne peut pas être neutre et les systèmes d’IA sont sensibles au contexte.

“Jusqu’ici, l’homme a toujours pris les décisions. L’IA se fonde sur ces données, mais elles contiennent immanquablement les erreurs de raisonnement humaines. Un système d’IA reprend non seulement ces erreurs, mais est par ailleurs sensible au contexte, qui peut évoluer, ce que l’on oublie souvent.” L’instauration d’un cadre légal va permettre de clarifier les responsabilités et les obligations.

L’IA reprend les erreurs de raisonnement humaines et ne peut donc pas être neutre.

Mieke De Ketelaere, directrice du programme IA à l’Imec

Le problème, puis la solution

Le législateur va certes délimiter le champ d’application, mais il ne pourra bien sûr pas définir la meilleure approche d’un projet IA. “Les données ne constituent pas le point de départ d’une démarche”, précise Mieke De Ketelaere. “L’IA non plus d’ailleurs. Vous devez partir d’un problème ou d’un défi puis chercher la solution. L’IA pourra peut-être vous aider, mais peut-être pas.”

Il s’agit donc de savoir quand l’IA apporte la bonne réponse et, le cas échéant, d’utiliser la technologie correctement. Et non, celui qui va utiliser l’IA ne doit pas nécessairement être un spécialiste. “J’aime faire la comparaison avec un micro-ondes”, explique Mieke De Ketelaere. “Même si nous ne connaissons pas la technologie complexe de l’appareil, nous savons pourtant comment l’utiliser en toute sécurité.”

Débat multidisciplinaire

Les entreprises doivent apprendre à envisager l’IA dans une perspective multidisciplinaire. “L’IA ne doit pas être le terrain de jeu exclusif du data scientist, car il est focalisé sur la précision des données. L’IA doit faire l’objet d’un débat multidisciplinaire intégrant les aspects de la sécurité, l’éthique, la facilité d’utilisation, etc. Nous devrions intégrer tous ces aspects dans une application IA dès la conception. La responsabilité de l’utilisation de l’IA doit aussi être assumée autrement. Aujourd’hui, lorsque l’IA dysfonctionne, c’est toujours la faute de l’ingénieur. Ce n’est pas juste, cela doit changer.”

Mieke De Ketelaere est l’auteure du livre ‘Homme versus machine’. Elle est directrice du programme IA à l’Imec IDLab.

ThinkThings: L’occasion unique de découvrir comment les Nouvelles technologies sons mises en pratique avec des applications concrètes.

Revoir l’event Nouvelle fenêtre

Experts

Nos experts vous tiennent au courant des dernières nouvelles et tendances pour les professionnels de l'ICT.

Les autres articles de Experts