Giro 1956 : l'Ange de la Montagne survit à la tempête dans le Monte Bondone.

Sports | Ce mardi, la 16e étape du Giro s'achève au sommet du Monte Bondone. L'occasion de nous souvenir du Giro 1956, où la 18e étape, qui se terminait au même endroit, a donné lieu à un des plus grands exploits athlétiques de l'histoire du cyclisme au terme d'une journée de course marquée par une tempête de neige...

De Tagtik

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Nous sommes 8 juin 1956... Au départ de la 19e étape entre Merano et le Monte Bondone (242 km), la météo est exécrable dans les Alpes et tout le nord de l'Italie. La pluie et les températures, franchement hivernales, annoncent une journée de légende.

Dès la deuxième ascension de la journée, le col de Rolle, le Luxembourgeois Charly Gaul, 24 ans, qui dispute son premier Tour d'Italie, fait le show, emmenant dans sa roue l'Italien Bruno Monti.

Au sommet, Gaul, qu'on appelle déjà l'Ange de la Montagne, compte 2’35" d'avance sur un autre escaladeur de légende, l’Espagnol Federico Bahamontès, surnommé lui l'Aigle de Tolède.

Un ange et un aigle se disputant la gloire sur un des parcours les plus exigeants d'Italie, l'affiche aurait eu de la gueule, mais dans la descente, privé de freins, Charly Gaul doit se servir des ses pieds pour ralentir. Handicapé par ces problèmes mécaniques, quelques kilomètres plus loin, Gaul est rejeté à plus de six minutes par un petit peloton d'Italiens composé de Bruno Monti, de Pasquale Fornara, en rose, de Nino De Filippis et d'Arrigo Padovan. A mi-parcours, les dieux du ciel déversent sur les rescapés frigorifiés des flocons de neige fondue. Déjà épique, l'étape va devenir héroïque, voire apocalyptique et son déroulement cahotique. Dans quelques kilomètres, les qualificatifs manqueront pour décrire cette journée.

Après trois semaines de courses, les coureurs sont fatigués et les défaillances se succèdent à un rythme effréné. Padovan tente un baroud d’honneur dans la tempête avant de s'effondrer et d'abandonner, à bout de forces.

Plus loin, Monti, paralysé par le froid et les bourrasques, renonce à son tour. Au pied de l'ultime ascension sur les pentes du Monte Bondone, De Filippis, maillot rose virtuel, est victime d’un terrifiant coup de bambou. Grelottant et incapable du moindre geste, il abandonne la course en cherchant un peu de chaleur sur le capot d'une voiture. Le thermomètre frise les -10°C et 40 coureurs vont se retirer de cette étape de folie polaire, pourtant disputée en juin ! Gaul, qui a déjà gagné les 7e et 14e étape de ce Giro 1956 est revenu de l'arrière. Connu pour son aversion pour la chaleur, il se sent comme un poisson dans l'eau de cette journée à rouler sur la banquise. Prenant ses responsabilités, il se place en tête pour éparpiller ce qui reste du peloto. Il fonce sans se retourner.

Dans la véritable tempête de neige qui s’abat sur ce Giro, le Luxembourgeois, 24e à plus de 16 minutes au général, renverse la course. L’Italien Fantini, termine à huit minutes. Florenzo Magni, à douze minutes. Le maillot rose a disparu corps et bien.  Parvenu au sommet du Monte Bondone, Charly Gaul, emmitouflé dans une couverture mais incapable de descendre de son vélo, doit être 'désincarcéré' de sa monture avec délicatesse tant son corps est engourdi par la froidure. On le rechauffe dans une grange et la circulation revientdans son corps glacé. A deux jours de l'arrivée, il mystifie tous les favoris et remporte deux jours plus tard le premier de ses deux Giro (il gagnera le second en 1959).

Ce tour de force, réalisé sans l’aide du moindre équipier, tous ayant abandonné en chemin, reste un des plus grands exploits athlétiques du Tour d'Italie avec la démonstration de Merckx au Tre Cime de Lavaredo (1968, nous y reviendrons) et l'inoubliable chevauchée d'Andy Hampsten au Gavia, vingt ans plus tard (1988).

Charly Gaul gagnera également le Tour de France 1958 en utilisant la même méthode: quasiment hors course avant le franchissement des Alpes, il force son destin dans la Chartreuse, où il explose tous ses adversaires, profitant d'une météo exécrable.

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