Dan San de retour après sept ans d’absence : "La musique c’est cyclique"

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Né il y a dix-sept ans avec le duo Thomas Medard et Jérôme Magnée, Dan San s’est étendu. La bande est désormais composée de six membres, tous installés à Liège. Sept ans après la sortie de ‘Shelter’, le groupe revient enfin avec un troisième album, intitulé ‘Grand Salon’. Une belle dose de positivité qui accompagnera les beaux jours qui arrivent. Cet opus sortira le 28 avril prochain. Pour l’occasion, Pickx s'est entretenu avec les deux instigateurs du projet.

De Pickx

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Pickx : Bonjour Thomas Medard et Jérôme Magnée ! Pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, pouvez-vous présenter Dan San en quelques mots ?

Jérôme Magnée : À la base, c’est une histoire d’amitié entre Thomas et moi. On a commencé la guitare et à écrire des chansons ensemble. Et puis au fur et à mesure, autour de ce projet, se sont greffés de nouveaux musiciens, qui sont entrés dans la famille Dan San. Progressivement, on a écrit des disques. D’abord un premier EP (intitulé ‘Pillow’ en 2010, ndlr), un disque (‘Domino’, sorti en 2012, ndlr), puis un deuxième (‘Shelter’ en 2016, ndlr). On est un groupe qui se situe entre la folk, la pop, le rock en anglais.

Thomas Medard : On aime bien dire que l’on est un peu des artisans de la musique.(...) Nous faisons des chansons folks, mais qui tendent aussi vers des musiques que l’on a eues dans nos oreilles en étant enfants. Il s’agit de grands classiques des années 70. On se situe dans une espèce de niche comme ça de musique indie, folk. On fait notre petit chemin à travers l’Europe, le Canada depuis une dizaine d’années et on continue album après album à tisser notre toile.

Vous êtes un groupe de rock/folk indépendant belge avec un son très anglo-saxon. Est-ce un genre devenu assez rare en Belgique, voire peut-être même en voie d’extinction ? Ou est-ce que c’est un style musical encore bien demandé ?

T.M. : Les disques précédents étaient un peu le cul entre deux chaises. On était à la fois un groupe de folk et à la fois un groupe d’indie. L’indie, c’est déjà un truc de niche. Ici, on s’est un peu éloigné du côté indie pour un peu plus se rapprocher de nos racines. On essaie de faire un disque plus intemporel. Du coup, on a des portes d’accès à un public presque plus direct maintenant. On passe sur ‘Classic 21’, sur ‘La première’, donc ça nous donne accès à un public plus adulte, ou peut-être que notre public est devenu adulte avec nous. Il y a quand même toute une audience qui aime bien retrouver cette musique qui fait écho à tout cet héritage de musique des années 60-70 et même 80. On se trouve à la croisée de tout ça. Ce public, il existe aussi bien en Wallonie qu’en Flandre, et énormément en Allemagne et en France.

J.M. : Tu dis que c’est une musique en voie d’extinction, moi je crois pas tellement en ça. Je crois aux cycles. Je crois que la musique c’est cyclique et que toutes les époques nourrissent le cycle suivant. Et puis surtout, l’être humain est multiple. Il n’existe pas qu’un style de musique, il en existera toujours des milliers.

T.M. : Il y a un gros revival. Beaucoup de groupes de jeunes reprennent les guitares et rangent les amplis. Du coup, je pense qu’il y une espèce de graine qui reprend.

Que veut dire ‘Dan San’, le nom de votre formation depuis 2005 ?

J.M. : C’est une très vieille histoire. Au tout début, quand Thomas et moi étions ado et que l’on commençait à faire de la musique ensemble, on a cherché plein de noms et on est passé par toutes sortes de noms un peu étranges et peut-être pas hyper fort en lien avec ce que l’on fait. Et puis, un jour, on s’est posé la question de ce que l’on voulait dire avec le nom du groupe. On s’est dit que le mot « merci » serait sans doute le mot qui collerait le plus à notre musique et surtout à la démarche qu’on avait. (...) Dan San ça veut dire merci en patois cantonais. On a tapé merci dans un moteur de recherche de traduction et puis on est tombé sur Dan San, ça sonnait bien, c’est facile, ça se retient.

À la base, vous n’étiez qu’à deux. Comment s’est construit le groupe à 6 ?

J.M. : En fait, ce qu’il y a c’est que quand on démarre un nouveau groupe, un nouveau projet lorsqu’on est jeune, c’est très compliqué de se dire que l’on va faire un groupe à beaucoup. En plus de devoir trouver les bons musiciens, il fallait que l’on se fasse un peu connaître. On n’avait encore rien sorti à l’époque. C’était très compliqué de vendre un projet de six musiciens sur scène. On avait déjà cette volonté d’avoir une batterie, une basse etc..

T.M.: Je crois même qu’à l’époque on ne se posait même pas ces questions-là. On a essayé de trouver un batteur, on a fait des tests et tout ça, et ça ne marchait pas. On n’avait pas non plus un réseau de musiciens donc on était à deux, et on a continué à deux. Au début, on faisait le tour des cafés. C’était très très simple pour les cafés et pour les salles de programmer deux gars sur une scène. Ca ne demande rien techniquement, ça ne demande pas d’accueil particulier.

J.M.: Et donc voilà au fur et à mesure, on a croisé des musiciens sur nos chemins, on s’est pris d’amitié, d’affinité, avec eux. On écoute de la musique qui est jouée par des musiciens, donc on avait vraiment envie d’intégrer une batterie, une basse. C’est très naturellement, sur la route, que l’on a rencontré des gens qui sont devenus des amis, qui sont encore là aujourd’hui. Je pense que ça n’évoluera plus. Six, c’est déjà bien.

Comment se passe le processus de création à six ?

T.M. : Il est beaucoup plus fluide qu’avant. Avant, il était beaucoup pus conflictuel, c’est-à-dire que l’on avait ce truc : on amenait une chanson et dès que quelqu’un changeait un détail de la chanson, on avait l’impression que l’on se faisait arracher une mèche de cheveux (rires). Et en soit, on se prenait le bec pour des bêtises souvent. Ici, je crois que le fait d’avoir pris un peu en âge et peut-être aussi en expérience dans notre métier, on lâche beaucoup plus vite prise. On fait beaucoup plus confiance, on laisse de la place aux autres. C’est ce qui fait que ce disque s’est fait dans une ambiance beaucoup plus posée.

Sinon chaque chanson est un peu différente dans l’implication du groupe ou de l’un et de l’autre. Jérôme et moi, on propose plus ou moins la moitié des démos qui sont la base de ce que vont devenir les chansons. Et ensuite, une fois que l’on amène une idée au groupe, chacun peut proposer et dire : « Attends, ton couplet, il n’est pas à la hauteur du refrain qui est vraiment super. Attends, je vais chercher un truc. » Je vais dans le couloir, je cherche, j’amène un truc et on se le fait écouter. Si tout le monde trouve que c’est mieux ? Eh bien, c’est la meilleure idée qui gagne. Donc, on construit comme ça les chansons. Des fois, on part de rien du tout. C’est arrivé pour la chanson ‘Grand Salon’ justement. La plage instrumentale qui se trouve au milieu du disque, on est vraiment parti d’une improvisation dans le grand salon du studio dans lequel on était en train d’enregistrer. Chaque chanson à sa propre vie et sa propre histoire.

Une musique qui fait voyager

Votre musique voyage de Liège jusqu’au Canada. C’est une ambition de vous faire connaître à l’international ?

J.M.: Bien sûr ! Pour nous, c’est une chance de pouvoir jouer notre musique auprès de publics différents. Puis par rapport au Canada, notre musique a toujours eu une forme de voyage musical avec ces idées de grands espaces qui n’existent pas tellement en Europe parce que l’on est très concentré en Europe. Il y a des montagnes, de très belles montagnes, mais quand on va aux États-Unis ou au Canada, il y a des étendus qui pour nous se rapprochent très fort de la musique que l’on fait. (…)

Et le fait de pouvoir proposer notre musique à un public différent qui n’a pas la même culture, c'est super de voir leurs réactions, de pouvoir leur parler et surtout d’aller à la rencontre des gens aussi. Parce que ce sont des voyages humains aussi les tournées ! C’est une vraie chance que l’on a envie de cultiver et on veut continuer aussi loin que cela puisse nous porter.

C’est vrai que la nature est bien présente dans votre musique...

J.M. : En fait, on a grandi à la campagne Thomas et moi. On s’est toujours senti très inspiré par la nature, par les forêts, par le bruit des oiseaux. C’est bête mais, quand on habite en ville, on oublie un peu ce rapport-là à la nature, la simplicité, les bonheurs que ça génère.

T.M. : On a aussi tous les deux un rapport très fusionnel avec l’eau. C’est un truc qui nous apaise hyper fort et qui véhicule des émotions différentes. On aime beaucoup nager tous les deux. Ce sont donc toutes des métaphores qui traversent notre musique depuis le début. Ce sont des choses que l’on cultive.

J.M. : Ça prend plus de sens aujourd’hui, quand on sait que l’être humain est en train de détruire la nature autour de lui. On se rend compte aujourd’hui que la nature ça a toujours été ultra-présent et que c’est important de la préserver (...).

Alors que votre musique sonne très vintage, les thématiques de vos chansons sont très actuelles...

J.M. : C’est une vraie volonté. On n’est pas dans la nostalgie. Ça ne nous intéresse pas. On aime se nourrir des influences qui nous touchent, qui nous ont touchés tout au long de notre vie. Mais on est dans le présent. Ce sont les thématiques actuelles qui nous intéressent, ce que l’on vit aujourd’hui. C’est ce que vivent notre génération et les générations futures qui nous intéressent. Donc oui, c’est là où je dis que c’est cyclique. On n’est pas en train de reproduire exactement ce qu’il se passait dans les années 1970 ou 1980. Il y a des influences musicales, dans l’écriture, qui sont complètement actuelles et c’est ça qui est super-intéressant.

T.M. : Ce sont des codes que l’on a pris beaucoup de plaisir à étudier et à analyser. Maintenant, on les resserre à notre sauce. C’est un plaisir. C’est un peu comme notre boîte de lego de maintenant.

Est-ce que vos influences musicales sont toujours les mêmes qu’à vos débuts ou elles ont changé avec votre musique ?

Ensemble : Non Non !

J.M.: Non ça évolue énormément. On est des mangeurs de disques Thomas et moi. On écoute de la musique, tous les jours. Chaque semaine, on écoute de nouvelles choses. On a été se nourrir dans plein de choses. Ces dernières années, j’ai écouté énormément de Bon Iver, de Louis-Jean Cormier, qui est un musicien francophone, pour le coup québécois. Thomas écoute énormément de hip-hop . Et oui, on va aussi se nourrir dans toutes ces influences-là. Plus on grandit, plus on a des influences et plus ça nous nourrit. On n’est pas du tout attaché à un style ou à une époque particulière.

T.M. : Moi, bizarrement, la manière dont Damso aborde sa vie dans ses textes... Il parle vraiment de lui sans filtre. Je trouve qu’il fait preuve d’une honnêteté hyper touchante. Moi, ça me touche hyper fort quand il parle de lui-même parce qu’il n’a peur de parler de ses failles et de jouer avec les codes du rap. Il est hyper vrai et authentique. Moi, ça m’a hyper fort inspiré.

Avant quand on écrivait des chansons, on se cachait beaucoup dans les métaphores. Et au final, pour découvrir le thème d’une chanson, il fallait vraiment gratter. Ici, c’est notamment en écoutant des gens du rap qui se livrent de manière sincère, sans pudeur. Ça a fait tomber des barrières chez moi et à travers les textes que l’on écrit. Ce n’est pas la seule raison, mais ça en est une du fait que j’avais envie d’écrire un peu différemment et du coup de faire des textes un peu plus qui parlent de moi et d’émotions réellement ressenties. On essaie d’être plus concret pour la première écoute, que l’on ne doit pas creuser, chercher et se demander au final : « Ah mais attends : de quoi elle parle cette chanson ? Je ne sais pas trop ».


Justement de quoi parle ce nouvel album ‘Grand salon’ ?

J.M : Alors il y a beaucoup de thématiques abordées dedans. Il a deux facettes. Il a une facette sombre et une facette lumineuse. On aborde des sujets qui nous touchent, qui nous ont touchés, des choses que l’on a vécues, beaucoup d’épreuves. Il y a une partie des chansons qui est : « voilà ce que je suis en train de vivre. C’est dur ! Voilà ce que je ressens, voilà les émotions que je traverse. » Il y a une forme de mélancolie là-dedans, mais en même temps il faut revivre ces moments tristes pour les évacuer et laisser de la place à des émotions positives. Et puis, il y a une autre facette, ce sont des chansons ultra-positives, des chansons d’amour toutes simples parce qu’en fait la pudeur que l’on avait il y a quelques années de parler d’amour a disparu. C’est vraiment la seule chose qui importe dans ce « fucking monde » (sic).

Il y a beaucoup d’espoir dans ce disque aussi. Une chanson comme ‘Hard days are gone’ est une chanson qui parle d’un moment de dépression, mais le refrain c’est un mantra qui répète encore et encore que maintenant c’est terminé, demain ça ira mieux. (...) L'album parle des épreuves que l’on a traversées comme la dépression. Thomas, il parle dans deux chansons des soucis de santé qu’il a eus il y a quelques années et du rapport à la mort. (...) D'autres parlent de voyage et d’envie d’aller à la rencontre des autres. Comment on fait pour transcender ses peurs et aller à la rencontre des autres.

La chanson ‘Unknown’, c’est celle qui ouvre sur de nouvelles aventures, de nouvelles perspectives ?

J.M : C’est une main tendue vers les gens qui nous entourent en leur disant  : « Comme tout le monde, moi aussi j’ai peur de quitter mon quotidien, moi aussi j’ai peur de quitter mon boulot, moi aussi j’ai peur de l’insécurité financière ». Mais en fait, la vraie vie ne se situe pas là, la vraie vie elle se situe dans les rencontres, en prenant des risques, dans les voyages, les voyages intérieurs et physiques. Et oui c’est une main tendue vers les autres pour leur dire : « allons ensemble vers cet inconnu ». Parce que la vie c’est ça et c’est notre devoir en tant qu’être humain de vivre pleinement.

Un quatrième album est envisageable ?

En choeur : Oui, oui !!!

T.M. : Si on est tous les deux pendant une heure dans un trajet de voiture ou dans une pièce ou après un souper, on va parler de projets, on va brainstormer pour l’avenir. Des idées pour le futur, on en a déjà beaucoup. On a déjà des idées de disques, un album concept en préparation.

J.M : Ça ne prendra plus sept ans.

T.M : Ça c’est sûr, ça va aller plus vite. Même encore plus vite que ce que l’on croit.


Retrouvez Dan San sur scène :

- 07/05 RELEASE PARTY @ Grand Salon - Nuits Botanique (Bruxelles)
- 26/05 @ Paradiso (Amsterdam P-B)
- 27/05 @ Hnita-Jazz Club (Heist Op Den Berg)
- 01/06 @ Reflektor (Liège)
- 20/07 @ Francofolies (Spa)
- 08/06 @ Hasard Ludique (Paris FR)

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