Vuelta 1984 : 6 petites secondes qui ont changé la vie d'Eric Caritoux

Sports | La Vuelta vit sa première journée de repos ce lundi et il y a déjà 3 minutes d'écart entre le premier et le dixième au classement général. Et dire qu'en 1984, le Français Eric Caritoux avait remporté le Tour d'Espagne avec un avantage de six petites secondes après 19 étapes et 3354 km de course. Une poignée de secondes qui ont changé son destin. Récit...

De Tagtik

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Tout le monde se souvient encore des 8 secondes séparant Greg LeMond du regretté Laurent Fignon lors du classement final du Tour de France 1989, le plus petit écart entre un vainqueur et son dauphin sur la Grande Boucle. Jamais Fignon ne remportera de troisième tour de France ce qui aurait fait de lui l'égal de Louison Bobet, Philippe Thys et.. LeMond, les triples vainqueurs de l'épreuve.

Scandale au Giro

Moins nombreux sont ceux qui se rappellent du Giro 1948, où Fiorenzo Magni qui l'emporte de seulement onze secondes sur Ezio Cecchi, s'imposant ainsi avec plus petit écart jamais enregistré sur le Tour d'Italie. Dans ce Giro au fort parfum de scandale, Coppi devance Bartali dans les Dolomites mais se retire du Giro avec son équipe après la 17e étape, soupçonnant Magni d’avoir bénéficié d’une aide irrégulière dans la montagne.

Une Vuelta hors normes

En 1984, Eric Caritoux remporte la Vuelta au grand dam des coureurs espagnols avec six petites secondes d’avance sur son dauphin, le plus petit écart jamais enregistré dans un grand tour. Cette Vuelta hors norme charrie, elle, des relents de (tentaive de) corruption et a trouvé un épilogue étrange avec avec la mort accidentelle d’Alberto Fernandez et son épouse, quelques mois plus tard. Mais revenons au début de l'histoire... Engagé de dernière minute

Nous sommes en avril 1984 et Eric Caritoux, modeste coursier de la formation Skil, qui n'a remporté jusque là que le Tour du Vaucluse et une étape de Paris-Nice, travaille dans ses vignes, au pied du Ventoux. Ce jeune cycliste-paysan de 23 ans, surnommé "le vigneron de Flassan" rentre dans sa ferme lorsque le téléphone sonne. A 48 heures du départ de la Vuelta, son directeur sportif, Jean de Gribaldy, lui annonce que son leader Sean Kelly, fatigué, renonce au Tour d’Espagne. L'Irlandais, sur les rotules, sort d'une moisson de victoires impressionnante : Paris-Nice, Critérium International, Tour du Pays Basque, Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-Liège et préfère faire l'impasse sur le Tour d'Espagne. Pour éviter de devoir dédommager les organisateurs, De Gribaldy demande à Caritoux de prendre le premier avion pour rejoindre le départ de la Vuelta au plus vite. Caritoux boucle sa valise sans pression, loin d’imaginer qu’il est sur le point de vivre les 3 semaines les plus mémorables de sa vie. Un Tour d'Espagne très ouvert

Ce 39e Tour d’Espagne est a priori assez ouvert : Hinault n’est pas là et les Espagnols se frottent les mains : Angel Arroyo, Marino Lejarreta, Alberto Fernandez, Julian Gorospe, Pedro Delgado ou Vincente Belda rêvent de victoire finale. Autres clients, les Italiens Francesco Moser et Giuseppe Saronni, sont plutôt venus pour préparer leur Giro. Eric Caritoux, inconnu du grand public, se contenterait pour sa part d'un succès d'étape et un top 10, après avoir terminé 24e de son premier Tour de France.

Francesco Moser remporte le prologue et porte le maillot de leader la première semaine. En route vers Rassos de Peguera, la 7e étape est un premier tournant de la course et un premier rendez-vous avec la montagne. Sans complexe, Eric Caritoux prend sa chance et s'échappe avec Pedro Delgado et le colombien Corredor. Delgado gagne l'étape et le Colombien prend le maillot de leader. Derrière, Alberto Fernandez a déjà cédé une minute, les autres sont à plus de 5 minutes. Caritoux se retrouve deuxième du classement général et attend la prochaine arrivée au sommet.

Delgado snobe Caritoux

De son côté, Pedro Delgado ne connaît pas bien Caritoux et ne voit pas en lui un adversaire crédible pour la victoire finale, tout au plus le lieutenant de Sean Kelly en montagne.. Le deuxième grand rendez-vous de ce Tour d'Espagne 1984 a lieu aux Lacs de Covandoga qui ont fait leur entrée dans la Vuelta l'année précédente. Pour Eric Caritoux, c'est l’occasion de prendre les commandes de la course et de démontrer tout son talent en montagne. Battu d'un rien par l'Allemand Dietzen pour le gain de l'étape, il repousse Delgado à 1’30’’. Au soir de cette étape, le principal adversaire de Caritoux s'appelle Alberto Fernandez. Atmosphère hostile

A partir de ce moment-là, l'ambiance sur le bord des routes espagnoles devient hostile car la foule est agacée de voir ce jeune français aux commandes de la course et qui tient la dragée haute aux Espagnols. Lors du chrono à l’Alto de Naranco, on frise l'émeute : pouces baissés, parapluies, jets de terre, bouteilles d'eau en plein visage, tout est bon pour ralentir Caritoux.

Concentré et indifférent à ces provocations, Caritoux résiste, parfois sous la protection de la Guardia Civil, jusqu'à Madrid, où doit se disputer le chrono décisif, la veille de l'arrivée, qui sera un sommet de suspense. "Quand je passe la ligne, je ne sais pas du tout si j’ai gagné. Il a fallu attendre un petit moment". Finalement pour six secondes, Eric Caritoux préserve sa tunique. Le lendemain, dans les rues de Madrid, Fernandez ne s'avoue pas vaincu et attaque une dizaine de fois au total. Mais Caritoux ne lâche rien. Le héros malheureux de ce Tour d'Espagne s’appelle Alberto Fernandez, battu pour six petites secondes. Fin tragique d’Alberto Fernandez

Six mois plus tard, le 14 décembre 1984, Alberto Fernandez et son épouse Inmaculada sont tués sur le coup lors d'une une collision frontale, de retour d'une céremonie où Fernandez a reçu le prix du meilleur coureur espagnol de l’année.

Corruption ?

Une affaire de tentative de corruption plane également sur ce 39e Tour d’Espagne. Javier Minguez, le directeur sportif de l’équipe d’Alberto Fernandez aurait proposé au directeur sportif de Caritoux d'acheter la course. "J’étais jeune et moi ça ne me disait rien du tout. Je voulais défendre mon maillot quoiqu’il arrive, tant pis si je perdais. Mais Fernandez lui même n’est jamais venu me voir, il ne m’a d’ailleurs jamais rien demandé et à vrai dire je ne sais même pas s’il était au courant", raconte Caritoux dont cette Vuelta sera la plus grande victoire. Il ne montera plus jamais sur le podium d’un Grand Tour, signant un doublé sur le championnat de France (1988-89) et remportant la même année une victoire d’étape à Paris-Nice, au Chalet Reynard, sur les flancs de 'son' Mont Ventoux. Video : Vuelta 1984, stage 17 @ Covadonga Lakes

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