Pas de Belge au Six Invitational : “Notre pays manque d’encadrement et de professionnalisation”

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Depuis le 11 mai dernier, les meilleures équipes au monde sur le jeu Rainbow Six Siege s’affrontent pour remporter le marteau, trophée mythique du Six Invitational ! Nous en avons profité pour rencontrer Laurent “Crapelle” Patriarche, le coach belge de Fnatic pour préfacer la compétition et faire un état des lieux de la scène belge et Benelux.

 

De Proximus

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Après les doutes, un premier report et encore des doutes sur la tenue sur Six Invitational 2021, l’annonce de sa tenue en vase clos à Paris durant le mois de mai avait soulagé tous les fans du FPS tactique (jeu de tir à la première personne) d’Ubisoft. Malgré la satisfaction ambiante, deux équipes ont malheureusement du tirer un trait sur cette édition. Touché par le virus, Virtus.Pro a décliné l’invitation alors que suite aux conditions générales, Wildcard Gaming n’a pu faire le déplacement. Soit 18 participants au lieu des 20 prévus !

Nous en avons profité pour demander l’avis de Crapelle ! Ancien coach à succès de Rogue, Laurent Patriarche a décidé, il y a quelques mois, de faire le grand saut vers la zone APAC (Asie) pour y défendre les couleurs de Fnatic.

Le départ de chez Rogue était une grosse annonce, comment s’est passé le passage chez Fnatic ?

Cela a changé beaucoup de choses pour moi ! Déjà, avec le décalage horaire je suis passé d’un travail nocturne qui débutait tous les jours vers 14h jusque 22h, pour un horaire de jour qui débute à 7h. Évidemment la manière de bosser et la culture sont très différentes ! Mais mon objectif était d’y aller pour apprendre auprès de Dizzle et évoluer en tant que coach. J’ai déjà beaucoup appris sur l’aspect humain et sur le jeu.

Au niveau du jeu, la grande particularité est qu’au sein même de l’APAC, les métas des équipes changent en fonction de leur pays d’origine. C’est donc un vrai challenge à chaque match de s’y adapter ! Mais heureusement, cette transition s’est bien passée car l’équipe et moi sommes sur la même longueur d’onde.

Vous n’êtes malheureusement pas parvenus à vous qualifier pour ce Six. Du coup, quels sont vos prochains objectifs ?

Nous réalisons pour l’instant un gros travail de fond en arrière plan. Nous restructurons notre manière de faire avec de nouvelles personnes et nous concentrons sur le développement de la performance, la santé physique et mentale. Cela prend pas mal de temps et d’énergie, mais c’est nécessaire pour viser le prochan Major (qui devrait avoir lieu en août) et evidemment le Six Invitational de l’année prochaine !

Parlons justement du SI 2021. Certains joueurs comme Pengu (G2 Esports) ont annoncé leur retraite quelques semaines avant. Ou encore Canadian, mais qui a finalement fait marche arrière pour participer au tournoi. Plusieurs analystes pensent que nous entrons dans une nouvelle ère avec les joueurs de la première génération qui vont s’arrêter et des jeunes qui vont prendre la relève. Quel est ton avis à ce sujet ?

C’est effectivement un cycle naturel surtout pour des joueurs de leur niveau. À partir d’un certain âge et surtout lorsque l’on a tout gagné comme eux, il est parfois difficile de garder la motivation. Le niveau professionnel est très intense avec des entraînements deux fois par jour tous les jours de la semaine. Cela demande donc beaucoup d’énergie. Pengu a donc sûrement fait un choix plus raisonnable sur le long terme, surtout qu’il est désormais clairement établi comme créateur de contenu.

Du coup, au niveau de la compétition en elle-emême, pour toi, quels sont les favoris ou les outsiders ?

Avec ce format de groupe en BO1 je pense que les équipes de l’APAC ont plus de chance de jouer les troubles fête en grapillant un match par-ci par-là. Cependant, la méta actuelle est favorable aux équipes brésiliennes. Notamment Team Liquid qui a vraiment performé cette saison.

Maintenant il y a aussi BDS qui sort d’une année incroyable, leur style de jeu et leur capacité à s’adapter pourraient leur permettre d’atteindre le top 3 voire plus. Je reste par contre plus mitigé pour les formations américaines. Les équipes NA et EU vont devoir prouver !

Un constat partagé par Bryan “Elemzje” Tebessi, leader ingame de BDS. “Les équipes LATAM ont une façon de jouer plus agressive, c’est donc une méta qui leur convient mieux. Mais chez BDS nous avons d’excellents gunners. Tout le monde est capable de fragger, nous ne devons donc avoir peur de personne.“

À l’heure d’écrire ces lignes, après quatre jours de compétition, il semble que leur analyse soit bien fondée. Si BDS est deuxième du groupe A juste devant Team Liquid, Team oNe, FaZe Clan et FURIA, NIP, une autre équipe de la zone LATAM, est bien installée dans le haut du groupe B. Cependant, d’autres équipes pourraient réaliser la surprise comme les surprenants Mkers qui, en provenance des qualifications ouvertes, ont réalisé un bon début de compétition. Sans oublier Para Bellum qui, après une première journée compliquée se retrouve soudainement en tête de sa poule. Ou encore Team Empire qui trône dans le groupe A.

Laurent, est-ce qu’une équipe comme Mkers (EU – Italie) pourrait créer la surprise?

Au Six tout est toujours possible. Mais lorsque tu arrive dans le top 20, tu ne joue que des gros clients. Je doute donc que des structures comme Mkers et Para Bellum puissent y parvenir.

En conférence de presse, les membres de Mkers se sont quant à eux montrés un peu plus confiants. “C’est normal que l’on ne nous pense pas capable de réaliser l’exploit. C’est un vrai challenge de passer dans une si grosse compétition. Nous n’attendons rien en particulier, mais nous allons prendre match après match et montrer de quoi nous sommes capables. Nous faisons partie des vingt meilleures équipes au monde, nous ne devons avoir peur de personne.“

Autre constat cette année, peu flatteur, aucun Belge n’est présent sur la scène parisienne ! Est-ce que selon toi cela symptomatise notre niveau national ? Cela cache-t-il un mal plus profond ?

La scène e-sport a toujours été compliquée en Belgique. La barrière linguistique n’aide pas avec les joueurs francophones qui vont vers la France et les joueurs néerlandophones qui vont vers les Pays-Bas. La scène est divisée et il y a toujours eu une petite gueguerre entre les deux. De plus, la compétition Benelux a un niveau global assez faible comparé à d’autre nations comme la Grand Bretagne, l’Allemagne ou la France. Cela rend la chose plus compliquée pour percer. Encore plus lorsque l’on sait que notre championnat est dominé depuis plusieurs années par le noyau dur de Gamma Gaming.

Cela peut-il aussi être dû à un manque de structure et de professionnalisation ?

Oui clairemement. Nous n’avons quasiment pas de structure professionnelle en Belgique. Il y a bien quelques clubs de foot belges qui se lancent timidement (notamment KVM Esports, actuel 2e de Benelux League), mais ils n’allignent aucun joueur belge… C’est un peu dommage ! Le manque de structure et d’encadrement est très punitif pour le développement en Belgique. Nous n’avons pas de reconnaissance, peu de gens s’y intéressent et nous n’avons pas cette promotion et cette passion de l’e-sport comme en France. Pourtant nous avons quelques grands représentants sur plusieurs jeux. Mais ils n’ont pas beaucoup de reconnaissance médiatique et ils doivent généralement se débrouiller seuls.

Mis à part Valentin “risze” Liradelfo qui évoluait avec toi chez Rogue et qui est désormais chez Vitality, y a-t-il des pépites ou des jeunes talents belges à suivre ?

Il y a bien Gomfi de chez Team Secret (ligue NA) ou Avaiche de chez Gamma. Mais à part cela je n’en connais pas ou peu. Ceux sur lesquels j’aurais misé une pièce par le passé ont ensuite arrêté vers 18-19 ans pour les études. Il est quasi impossible de s’épanouir de l’e-sport en Belgique.

Cela nous amène à un vrai problème de la scène R6S : trouver et miser sur les jeunes joueurs.

Il faudrait qu’Ubisoft pousse plus l’aspect académique en permettant au joueurs de moins de 18 ans (à partir de 16 ans) d’avoir des compétitions officielles. Comme sur League of Legends avec des ligues inférieures. Cela permettrait de faciliter le scouting qui est quasi impossible à l’heure actuelle. Pour l’heure, miser sur un jeune pour une équipe pro est un véritable pari risqué. De plus, cela permettrait de mieux accompagner ces mêmes joueurs dans leur carrière, leur développement et l’équilibre avec les études. Pour l’instant les mineurs d’âge n’ont rien pour se montrer. Ce système d’académie est la tendance du moment et nous devrions faire de même sur R6.

Du coup, avec ton expérience, que dirais tu à un jeune joueur pour l’aider à percer ?

La première chose qu’il faut bien comprendre, c’est que se faire un réseau est primordial. Cela fait toute la différence. Deuxièmement, il est capital d’avoir une optique auto-critique et de tout faire pour progresser. Se remettre en question. Finalement, c’est important de jouer contre plus fort que sois. La FRPL a récemment été créée sur Faceit. On y retrouve des anciens pros et de très bons joueurs. Je pense qu’essayer d’en être est vraiment une bonne chose et surtout d’être à l’écoute de leurs conseils. Cela permettra aussi de construire son réseau.

Des conseils précieux pour nos jeunes joueurs qui rèvent plus que jamais de tracer leur voie sur Rainbow Six avec le nouveau système internationnal.

Ubisoft essaye vraiment de développer l’aspect compétitif avec ce système de ligues nationales, qui peuvent mener jusqu’au sommet. Ces ligues continentales ont véritablement dynamisé la scène.

La scène compétitive est fortement développée. Mais au niveau casual, les joueurs se sentent parfois lésés avec les problèmes de cheat qui semblent être de plus en plus présents.

Pour jouer en ranked c’est un gros soucis actuellement. Mais malgré ce que l’on croit, Ubisoft travaille dur pour régler le problème. Ils ont juste une politique de ne pas trop communiquer à ce sujet pour éviter de donner des infos ou des failles aux créateurs de cheats !

Dernier point pour donner un peu d’envie aux fans belges, la fameuse coupe du monde des nations a été postposée en saison du Covid. Mais pouvons nous espérer t’avoir comme coach lorsque le projet sera relancé ?

Oui, j’avais d’ailleurs posé ma candidature à l’époque, mais les démarches ont été stoppées ! Ce serait un honneur se représenter mon pays et j’aimerais surtout pouvoir me qualifier pour affronter mes joueurs de chez Fnatic (sic). Maintenant, la Belgique fait partie des nations qui ne sont pas invitées et se qualifier pour la phase finale ne sera pas si simple. Il faudra se frotter à des nations qui sont déjà très solides, mais cela permettrait d’offrir une grosse expérience à certains joueur et aussi pas mal de visibilité !

Plus de Belges au Six Invitationnal, une scène régionale plus relevée et une équipe nationale parmi les meilleures au monde, le tout coaché par un entraîneur de la trempe de Crapelle, c’est évidemment tout le mal que nous souhaitons à l’e-sport belge sur R6S. Mais pour cela, il y a encore pas mal de travail à réaliser !

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