Claire Olirencia Deville : "La diversité des représentations a des conséquences directes sur la vie des personnes minorisées"

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En ce mois des fiertés, Pickx donne la parole à des modèles LGBTQIA+. Après s’être intéressés à des artistes musicaux, nous nous sommes entretenus avec l’autrice, féministe et danseuse Claire Olirencia Deville sur la représentation des personnes queers. Elle/Ielle nous partage son opinion en tant que personne queer et jeune parent.

De Pickx

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Bonjour Claire Olirencia Deville ! Vous êtes danseuse et écrivaine de romans, de contes et de poésies. Racontez-nous un peu votre parcours dans ces deux domaines artistiques ?

Claire Olirencia Deville : "En fait, je suis danseuse de formation et j’ai fait aussi des études de littérature. Au départ, je me suis mise à écrire sur la danse. J’ai arrêté ma carrière en danse contemporaine assez tôt, j’avais 26 ans. Et j’ai commencé à faire du tango argentin. Je suis partie vivre à Buenos Aires en 2011-2012. J’ai commencé le tango en 2010. J’ai écrit mon premier roman, ‘Les poupées sauvages’ qui se passe à Buenos Aires dans le milieu du tango, qui a été publié en 2014. Après, j’ai continué à écrire sur la danse, puis sur autre chose que la danse, mais qui est toujours assez en lien avec le corps : que ce soit la danse, les odeurs, les parfums, l’absence, les questionnements de genres, ou encore la parentalité et le postpartum. Ça a toujours un lien, j’arrive toujours à écrire sur ce lien avec le corps."

À travers votre premier roman en 2014 ‘Les poupées sauvages’, vous combinez vos deux passions : danse et littérature. L’histoire suit Nora et son obstination pour le tango à Buenos Aires. Vous avez vous-même séjourné en Argentine. Est-ce qu’il y a beaucoup de vous dans votre protagoniste?

C.O.D : "C’est une question que l’on ne pose pas aux hommes. Les hommes font de la littérature. Et les femmes et les minorités de genre, on fait de l’auto-fiction. Et ça c’est un snobisme littéraire qui est aussi un sexisme. C’est vraiment intéressant parce que je pense que pour tous les auteurs et toutes les autrices, les personnages sont inspirés ou de nous-même ou de connaissances et de liens. C’est Orhan Pamuk  un grand écrivain Turc qui disait si on pense que c’est moi ou un quelconque personnage réel ça veut dire que j’ai bien fait mon travail.

Le roman est écrit à la première personne, mais le personnage n’est pas moi. Il est inspiré de plein de danseuses différentes. C’est le cas aussi pour le deuxième roman, ‘Les Citrons’, qui est écrit à la première personne et dont le personnage n’est pas moi, c’est le cas aussi pour le troisième roman qui va paraître en février 2024, qui est aussi l’histoire d’une danseuse et qui n’est pas moi non plus. Si j’arrive à être réelle tant mieux en fait, ça veut dire que c’est réussi, mais heureusement vu comment ces personnages ne vont parfois pas très bien, je suis contente que ça ne soit pas moi. Ce ne sont pas des autobiographies. C’est peut-être des exagérations, mais de pleins de personnages réels différents."

Pourquoi vos personnages se retrouvent confrontés à des questions sur le corps?

C.O.D : "Je pense tout simplement que ce sont des questions que je me pose et elles finissent par se traduire en fiction (…)."

Vous vous identifiez en tant que personne queer ? Ça signifie quoi pour vous personnellement ?

C.O.D : "Je ne m’identifie pas, je suis une personne queer. Ça signifie que je ne suis pas hétéro, par exemple. Ça signifie que j’utilise deux pronoms (elle/ielle, ndlr), ça signifie que je ne rentre pas dans une case normative (…) Les représentations sont tragiquement, encore maintenant, essentiellement hétéro, blanches, valides, cisgenres, quoi qu’en disent ceux qui crient au wokisme et ce genre d’absurdité. Le discours le plus répandu dans les médias, c’est quand même un discours dominant. Les médias eux-mêmes sont possédés par exemple par des hommes blancs, valides, cisgenres, etc."

Qu’est-ce qui a déclenché en vous cette prise de conscience sur la fluidité des genres?

C.O.D  : "Je pense que c’est en se questionnant sur le corps justement, en se renseignant et en s’éduquant un peu à ce sujet et en ayant un entourage qui comporte beaucoup de personnes trans. En essayant des pronoms, je me suis dit  : « Claire : il, non. Claire: il/ iel, non. Claire : elle/ielle,  ah ouais ! ». Et ça a créé une euphorie de genre. Être genrée au féminin - elle - ça ne me crée pas de dysphorie de genre. Ça me convient tout à fait que l’on me dise elle avec des accords au féminin, ce n'est pas un problème. Mais par contre, ajouter un pronom c’était comme créer plus d’espace dans mon corps. C’était vraiment une euphorie de genre qui me permettait de ne pas être limitée, d'effacer cette sensation étouffante de limite dans un genre très polarisé à l’extrême féminin « elle », que ce soit un peu plus ouvert. Ça, c’est mon expérience et mon récit. Toutes les personnes trans / non binaires / gender fluid ont chacun un vécu très très différent, donc je pense que c’est une question et une évolution personnelle à chacun.e."

Est-ce qu’il y a une évolution ou une plus grande ouverture d’esprit de ce côté-là selon vous ? Ou il y a encore un énorme travail à faire à ce sujet-là ?

C.O.D  : "Les deux en fait. Je ne pense pas que l’on puisse dire que tout va bien, au contraire. Il y a trop de personnes trans qui meurent. La transphobie tue énormément chaque année, c'est vraiment très très très grave, et il y a beaucoup de transphobie y compris dans le milieu queer. Je pense effectivement qu’en termes de représentation, ça n’avance pas assez vite, mais ça avance - je pense par exemple aux séries qu’on regardait ados et aux séries de maintenant. ‘Sex education’ quand j’avais 15 ans, c’était inimaginable. On devait se taper ‘Dawson’ ou ‘Hartley, coeurs à vif’ qui mettaient en scène des personnages masculins hyper toxiques. Du coup, notre prisme relationnel et romantique était complètement construit par ça. J’ai l’impression quand même, enfin j’espère, que ça change un petit peu. La diversité des représentations a des conséquences directes sur la vie des personnes minorisées"

Vous êtes vous-même parent aujourd’hui. Comment est-ce qu’il faut aborder l’homosexualité, le changement de genre ou de la fluidité des genres dans les contes pour enfants aujourd’hui ?

C.O.D : "De manière assez banale en fait : en intégrant des protagonistes qui ne soient pas que hétéros, blancs, valides, cis, etc. Que ce soit dans les livres ou dans les films, il faut insérer des personnages qui représentent le monde. Il faut également laisser l’accès à des auteurs/ autrices queers et/ou racisé.e.s de publier.

La représentation commence à changer, même dans les blockbusters, même chez Walt Disney. On s’est quand même tapé des princesses et princes super blancs et hétéros, et surtout super problématiques pendant de longues années. Sur la question de la parentalité, je ne vais pas empêcher ma fille de voir ‘La Belle au bois dormant’ par exemple, mais je vais quand même lui expliquer que si un mec vient l’embrasser pendant qu’elle dort, et lui dit que c’est pour la sauver, elle doit porter plainte.

Et puis les critiques comme quoi on veut endoctriner les enfants, c’est bon là. Nous, on a été endoctrinés par toutes ces ondes hétéros depuis toujours. On veut juste changer les représentations et qu’elles soient variées d’une manière à ce que ce soit presque un non sujet en fait."

Y a-t-il des ouvrages qui évoquent la communauté LGBTQIA+ pour les enfants que vous recommandez ?

C.O.D : "Pour les enfants, il y a beaucoup de livres qui sont en train de sortir. Il y a un compte Instagram qui s’appelle 'Mon fils en rose', qui fait toute une bibliographie pour enfants qui est très fournie. Je pense notamment à l’ouvrage ‘Julian est une sirène’, qui est très beau. Il y a aussi des livres pour enfants avec deux parents de même genre. En général, il faudrait vraiment que ça devienne un non sujet. (…)."

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