ÂA présent à la Brussels Pride Week : « J'ai longtemps succombé aux injonctions de la masculinité »

Musique |

En ce mois des fiertés et à l’occasion de la Brussels Pride Week, des artistes performent sur les scènes de la capitale. Mardi dernier, aux Grands Carmes, ÂA, un créateur d’émotions qui s’exprime non seulement par sa musique et ses textes mais aussi par le dessin et l’image, a eu l'occasion de faire découvrir son univers. Un artiste dans l’âme que Pickx a rencontré.

De Pickx

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Bonjour ÂA ! Comment allez-vous ? 

ÂA : « Ça va très bien ! J’ai hâte de chanter ce soir » (artiste rencontré ce mardi, NDLR).

Vous serez en effet en live sur scène ce mardi 16 mai aux Grands Carmes à Bruxelles dans le cadre de la Brussels Pride Week. Est-ce important pour vous de participer à un tel événement ?

ÂA : « Oui, c’est très important. Pas seulement pour moi-même mais aussi pour les personnes de mon entourage. C’est une manière pour moi d’avancer. J’arrive à une période de ma vie où j’ai envie de partager certaines choses que je pensais devoir garder pour moi ou ne les partager qu’en musique. Ce soir, ça sera la première fois que je vais partager une dimension importante de ma vie avec les personnes qui me suivent. Donc, oui, c’est très important pour moi de participer à la Brussels Pride Week ».

Votre musique est empreinte de liberté et d’émotions, en même temps que teintée de sonorités hybrides. Est-ce bien ainsi que vous la décririez ?  

ÂA : « Ma musique est le reflet de ce que je suis, c’est-à-dire un homme métissé. Du coup, je mélange des sonorités africaines et européennes. J’essaye de mélanger les musiques afro, la rumba congolaise avec du garage et des sonorités un peu plus hip-hop. Donc, oui, on peut dire ça ».

Quelles sont vos sources d’inspiration musicale ?  

ÂA : « Il y a des artistes que je mets sur un grand piédestal comme Prince, Ray Charles et Stevie Wonder. Mais ceux-là sont des artistes intouchables. Puis, il y en a d’autres qui m’inspirent comme Frank Ocean, Sade et OutKast. Il y en a aussi qui ont bercé mon enfance et mon adolescence. Ceux qui m’ont fait danser comme Rihanna, Justin Timberlake, Usher, Beyoncé et tous les chanteurs pop qui passaient sur les chaînes que je regardais quand j’étais jeune ». 

Après un premier EP intitulé ‘ÂAnimé’ sorti en 2020, vous avez dévoilé votre premier album, ‘Chemin acide’, en 2022. Pourquoi ce nom et que raconte cet album ?

ÂA : « On sortait de la pandémie, et c’était une période qui résonnait aussi avec tout ce que j’avais vécu à ce moment de ma vie. À la base, je voulais appeler cet album ‘No Us’. Puis, j’ai changé parce que tout ce qui venait de se passer faisait que les choses n’avaient plus le même poids et que je ne pouvais pas faire comme si ça ne s’était pas produit. Ça a quand même été une période de deux ans durant laquelle je n’ai pas pu monter sur scène et où il fallait quand même réussir à faire exister les chansons que j’avais écrites trois ans ou quatre ans auparavant. Cette pause a été assez complexe à gérer pour ceux qui, comme moi, avaient un projet en développement.

Du coup, j’ai voulu exprimer tout ce cheminement à travers le titre de mon album. Dans cet album, il y avait ‘Acide’, un titre qui parlait de la difficulté d’être un artiste et d’essayer de partager avec les autres des histoires particulières, tout en essayant de leur donner une dimension universelle. J’ai trouvé que cette chanson prenait une importance significative dans ce que j’avais envie de défendre dans ma musique. Donc c’est pour ça que j’ai choisi d’intituler l’album ‘Chemin acide’ ».

Dans certains de vos morceaux comme ‘L’ignorance et la peur’ ou ‘Barbelés’, vous traitez de sujets forts tels que le racisme ou la migration. Est-ce important pour vous, en tant qu’artiste, d’aborder de tels sujets ?

ÂA : « Je crois avoir pris conscience de la personne que je suis. Du coup, ce n’est même plus un questionnement, c’est quelque chose qui vient naturellement lorsque j’essaye de raconter mes histoires d’amour, mes rapports familiaux ou amicaux. Ce sont forcément des rapports qui prennent en compte la diversité, le déplacement et les amours interdits. Lorsque je travaille ma musique ou lorsque je me mets devant une feuille, je ne réfléchis pas au thème ou à ce que je veux dire. Je me dis ‘Bon, qu’est-ce que je vais raconter sur ce qu’il s’est passé ?’. Et nos vies à nous tous étant le reflet de ce qu’il se passe dans notre société, cela prend forcément une dimension très politique ».

Vous êtes né à Liège mais avez grandi à Kinshasa avant de revenir en Belgique à l’adolescence. Vous avez donc été baigné par différentes cultures. Est-ce pour cette raison que vous vous exprimez en français mais aussi en lingala sur certains de vos titres ?

ÂA : « Tout à fait ! C’est parce que j’ai grandi au Congo et que, comme je l’ai dit précédemment, il y a des chose qui sortent naturellement en français et d’autres, parfois, qui sortent en lingala. Et lorsque c’est le cas, j’essaye de ne pas du tout intervenir. Je ne sais plus qui a dit ça, mais je pense que nous les artistes, nous sommes des sortes de vaisseaux et que, quand l’inspiration vient, il ne faut surtout pas chercher à y toucher, il faut donner la vérité comme elle vient ».

Vous avez fait des études d’art, plus précisément de publicité, à l’école supérieure des arts Saint-Luc de Liège. Est-ce cette formation qui vous a donné l’envie de gérer par vous-même les éléments visuels de votre album comme sa pochette ou encore la réalisation de vos clips ‘Solitude’ et ‘Le fou du village’ ?

ÂA : « Partiellement, mais c’est la dèche aussi (rires). J’ai la chance d’avoir ces capacités-là qui me permettent d’être un peu plus créatif et d’avoir aussi une certaine forme de technique qui peut m’aider à communiquer. Mais je pense qu’aujourd’hui, tout le monde est un peu touche-à-tout. Et les outils à notre disposition nous permettent d’être créatifs. Quand j’étais jeune, je voulais être peintre. Mais à mesure que j’ai grandi, j’ai eu aussi envie d’explorer d’autres manières de m’exprimer. Du coup, tous les médiums, tous les supports que j’utilise communiquent les uns avec les autres. Pour moi, le visuel, c’est juste la continuité de ce que j’écris. Et la mélodie, c’est tout simplement une sorte de traduction des couleurs que j’ai en tête ».



D’où vient votre nom de scène ÂA ?

ÂA : « ÂA, c’est pour Atlaï Abdallah. Atlaï, c’est un mot hébreux qui veut dire ‘mon moment’. Et Abdallah, c’est le deuxième prénom de mon père. Mais ÂA, si on veut, c’est aussi les initiales d’Âme d’Artiste. Ou tout ce qui commence par ‘A’ et qui fait plaisir : ‘Amour’, ‘Argent’,… (rires). Comme vous voulez ». 

À l'approche du mois de fiertés et avec cette Pride Week, de nombreux événements sont organisés pour que la communauté LGBTQIA+ puisse se faire entendre. Estimez-vous nécessaire aujourd’hui encore que de tels événements mettent en avant cette communauté ?

ÂA : « Cette année, le thème c’est ‘Protect the Protest’. Lorsque j’ai appris ça, j’ai trouvé ça génial ! Et je crois que les organisateurs partagent avec Amnesty International le même slogan. Je crois qu’ils ont défendu l’info en parlant du fait que juste à côté de nous, dans des pays qui sont voisins de la Belgique ou de l’Europe, il est encore aujourd’hui très difficile de pouvoir s’exprimer et de manifester pour faire entendre ses revendications et se battre et lutter contre l’injustice. Et ces manifestations-là sont très importantes.

En moi, ça résonnait d’une autre manière, qui en est la continuité ou peut-être même la source. Je m’explique. Il y a une autre forme de manifestation, personnelle celle-là. Quelque chose que l’on vit chez soi, tous les jours lorsque l’on décide d’assumer son identité, de porter tel vêtement ou d’exprimer sa créativité d’une certaine manière. Souvent les jeunes, et surtout les enfants, sont très vite prisonniers d’une forme d’interdiction. On leur demande de se définir par ce qu’ils ne sont pas. ‘Tu n’es pas assez viril’, ‘Tu n’es pas assez ceci ou cela’,… Et moi, j’ai toujours été impressionné par les jeunes qui arrivent à imposer leur singularité et leur personnalité malgré ce que les autres peuvent penser. Peut-être parce que moi, j’ai longtemps succombé aux injonctions de la masculinité.

Mais dès que j’ai compris que c’était ma vie et que personne n’avait le droit de m’imposer quoi que ce soit, dès que j’ai pu imposer ma manière de vivre ma vie, j’ai senti ce feu de la révolution entrer en moi et je me suis rendu compte, en fait, de la violence du monde. Donc, oui, c’est très important de faire prendre conscience aux gens qu’il faut protéger et défendre ceux qui protestent et ceux qui font entendre leurs combats ».

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

 ÂA : « Beaucoup d’amour, beaucoup de paix. Et, soyons ambitieux, un grand succès ! On ne fait pas ça pour rien ».

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