Next.Ape à l'AB : "Jouer cet album pour la première fois après quatre ans de travail nous a amené un vrai vent de fraîcheur"
Après quatre ans de travail et une pandémie plus tard, Next.Ape sort enfin son premier album: ‘The Fourth Wall’. Entre pop, électrorock et musique expérimentale, le dernier projet du batteur Antoine Pierre fait une entrée fracassante avec la voix de la Hongroise Veronika Harcsa. Pickx s’est entretenu avec les deux artistes avant leur concert à l’AB le 17 mai.
De Pickx
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Comment est né le groupe Next.ape ?
Antoine Pierre : “Notre tout premier concert s’est fait en 2017 au Marni à Flagey lors de leur 'Jazz Festival'. C’est le théâtre qui m'a contacté et m’a donné carte blanche en me disant : ‘fais quelque chose que tu n’as pas l'habitude de faire’. C'était un moment où j'expérimentais beaucoup avec les programmes d'enregistrement sur l'ordi, et donc j'ai enregistré un peu de tout. Je suis arrivé à un résultat où stylistiquement, ça se rapprochait pas mal de ce que j'écoutais à ce moment-là, à savoir Radiohead, Massive Attack,Portishead".
“J'ai appelé deux musiciens avec qui j'avais envie de jouer pour faire ce projet qui était Lorenzo Di Maio, à la guitare et Jérôme Klein au clavier. Jérôme, en plus d'être un super claviériste, est batteur, donc je voulais avoir un peu cette espèce de connivence entre batteurs, où il comprend ce que je fais. Et puis on s'est posé la question de ce qu'on ajouterait bien. J'avais envie d'avoir une voix. Mais pas n'importe laquelle. Une qui me touche profondément. Et je connaissais Véronika du Conservatoire de Bruxelles parce qu'on y a étudié ensemble et on n'avait encore jamais joué ensemble. Du coup, je lui ai proposé et on a fait ce premier concert qui était un espèce de patchwork de 10000 styles condensés en 1 h 25 de concert”.
Quelles sont vos inspirations ?
Antoine P. : “La configuration du groupe de base a créé déjà beaucoup : le fait qu'on n'ait pas une basse électrique mais que tout soit joué avec les claviers. Et puis, je pense que c'est vraiment la voix de Veronika qui nous a emmenés dans une direction parce que c'est tellement fort. Le son du groupe c'est une chose, mais si on retire la voix, tout d'un coup c'est pas le même groupe. On a vraiment construit notre univers autour de ça. Ça s'est fait très naturellement”.
En quoi le projet t'intéressait Veronika ?
Veronika Harcsa: "En principe, je suis chanteuse de jazz, mais j'avais toujours un côté un peu plus pop, un peu plus mainstream. Ça faisait toujours partie de ma vie musicale. Alors ce n'est pas quelque chose d'inattendu de ma part de faire partie d'un groupe. Et les influences qu'Antoine a mentionnées, comme Radiohead et Portishead, ce sont des influences très importantes pour moi aussi. Alors c'est clair que nos goûts ne sont pas très loins l'un de l'autre et j'aime beaucoup expérimenter dans ce groupe, même si c'est plutôt avec une direction pop par rapport au jazz. Il y a beaucoup d'espace pour expérimenter avec des sons et avec ma voix."
Et comment décririez-vous le son de votre album?
Veronika H. : “C’est de l’alternatif expérimental. C'est pop, on peut danser, on peut aussi le qualifier de ‘shoegaze’. J'aime bien cette expression. C'est un label de musique expérimental qui veut dire que l’on peut écouter cette musique en regardant nos chaussures”.
A quoi ressemble votre processus créatif ? De quoi partez-vous pour créer un son?
Antoine P. : “Dans la majorité des cas, ce qui se passe, c'est que je suis à la maison et j'écris de la musique. J’écris des lignes de basse, des claviers, j'écris des accords, je trouve des groupes de batterie. Je fais en général une espèce de petite maquette que j'envoie à tout le monde dans le groupe et chacun est libre de rajouter un peu des idées. Par exemple, je prends le cas d'un morceau comme ‘Borderline’. C'est typiquement le morceau pour moi qui représente ce qu'a été pour nous de travailler pendant la période covid. Ce morceau est né vraiment au tout début du premier confinement où j'ai juste écrit une espèce de d’accord sur un groupe de batterie que j'aimais vraiment bien. Et puis je l'ai envoyé à Lorenzo et Lorenzo a trouvé un arpège de guitare. Il en a fait un nouvel arpège pour donner un timbre. On a envoyé ensuite ça à Veronika et elle est venue avec une mélodie, un texte et le morceau est né. C’est un peu comme sur Zoom que l’on travaille et depuis notre pièce aux quatre coins de l'Europe".
Pourquoi Vous avez intitulé l'album ‘The Fourth Wall’?
Antoine P. : “J’ai choisi ce titre-là parce que le quatrième mur c'est une notion cinématographique et théâtrale. C'est l'espèce de mur invisible qui sépare le public du spectateur de l'action qui est en train de se passer. Et donc c'est ce qui pose le spectateur en tant qu'observateur d'une action. Et moi j'adore cette notion parce que bien évidemment, il y a moyen de jouer avec ce quatrième mur. Il y a beaucoup de pièces de théâtre et de films où on brise ce quatrième mur. Par exemple, le comédien tout d'un coup regarde la caméra avec tout le monde, puis plus dutout”.
“Je trouve que cette notion de briser ce mur est très facile à transposer à ce qu'on est en train de vivre pour le moment au niveau de l'actualité. Dans le sens où on voit tout ce qui se passe en tant qu'observateur de ce qui est en train de se passer dans le monde : du réchauffement climatique, des problèmes politiques, de la guerre en Ukraine, la crise des migrants, etc. Et ensuite on est un peu dans une position d'impuissance par rapport à tout ça. L’idée de ce quatrième mur, c'était un peu, sans être moralisateur bien sûr, d'inviter le public à être avec nous et à observer ce qui se passe, se poser les questions de qu'est ce qu'on va faire? C'est vraiment ça que j'adore dans la manière dont écrit Veronika”.
Et justement dans l'écriture, est ce qu'il y a des messages, des intentions, des engagements qui sont véhiculés ?
Veronika H. : “Oui, il y a des engagements, mais on ne voulait pas écrire de messages trop directs dans les textes. Je crois que parler du changement climatique, de la crise des migrants, c'est déjà un engagement. Après, il y a plusieurs couches dans les morceaux. Il y a le texte, mais aussi, il y a les grooves, les mélodies et les harmonies qui se superposent. Même si un texte est un peu plus pessimiste que les autres, il y a toujours un groove et une mélodie qui peut rester plus positive”.
“Je ne voulais pas écrire des textes trop pessimistes non plus. Même si on parle de sujets un peu durs parfois. Alors on ne peut pas offrir de solutions. Évidemment, on voudrait bien sauver le monde, mais on n'a pas encore trouvé la solution. On essaye d'offrir des phrases qu'on peut chanter ensemble, de manière à ce qu’on ne se sente pas seul avec ces problèmes”.
Et quel a été le titre qui vous a le plus surpris quand vous avez créé l'album?
Antoine P. : “Je suis certain que l’on va dire la même : l'araignée” (rire) .
Veronika H. : “Oui l'araignée, c’est sûr !”
Antoine P. : “Généralement, les morceaux qui marchent très bien en live, c'est ceux qui mettent un peu plus de temps à être construits en studio parce qu'on avait tellement de confiance que finalement tout le monde s'attendait à quelque chose qui n'arrive pas. En revanche, il y a aussi l'extrême inverse qui sont parfois des morceaux où on se dit on verra bien si ça vaut la peine, comme avec “l'Araignée”. On s’est finalement retrouvé 2h plus tard à se dire ‘en fait, on tient vraiment un truc’. Et Véronika, je pense, a été assez vite inspirée aussi pour écrire un texte sur le thème de l'araignée. C'était un morceau assez surprenant”.
Et quel est le titre que vous avez préféré produire?
Véronika H. : “Il y a des chansons qui sont très produites, très compactes, il y a des versets, des refrains, etc. Et la forme, la structure est très claire et ensuite il y a des morceaux où il y a un peu plus d'improvisation et qui sont plus libres. Et j'aime bien la balance entre les deux. J’adore ‘Your Name’ par exemple, qui est une improvisation sur le loop d'Antoine. J'ai écrit un texte de trois lignes. Et on a improvisé pendant cinq minutes. C'est un de mes morceaux préférés. Ce n’était pas une production très longue”.
Et dans le clip ‘Unfit Wing’ vous utilisez l'intelligence artificielle. Pourquoi ce choix?
Antoine P. : “On avait prévu d'aller filmer un clip avec des comédiens et de faire un truc plus filmé et narratif. Pour plusieurs raisons, on n'est pas arrivé à aboutir à ce qu'on voulait faire. Le vidéaste pris par le temps m’a dit ‘attends, j'ai envie d'essayer un truc’. Et donc il a passé quelques nuits à apprendre un programme d'intelligence artificielle et à apprendre comment utiliser tous les paramètres et comment écrire un programme”.
“Il a pris une photo de presse qu'on avait et il a pris le texte du morceau. Il les a répartis sur tout le long du codage en laissant travailler l'ordinateur pendant une nuit. Le lendemain, le clip était là! Évidemment, ça a pris des semaines d’essais et d’erreurs. C’est dingue ! Ce que j'adore avec cette démarche, c'est que non seulement on a utilisé le texte du morceau, donc il y a vraiment une empreinte poétique qui est à 100 % présente. Et en plus l'intelligence artificielle fait un peu partie de ces sujets qu'on évoque dans le jeu en tant que groupe et dans les textes littéraires. C'est quelque chose qui à la fois nous effraie, mais qui est aussi quelque chose auquel il va falloir s'habituer. Parce que dans les prochaines années, je crois que ça va être omniprésent".
Comment envisagez-vous la suite du projet ?
Veronika H.: “Nous allons jouer des concerts. On joue à l’Ancienne Belgique le 17 mai, ça sera le grand concert que nous attendons beaucoup. Nous espérons qu'il y aura beaucoup de monde. C'est vraiment le lancement de l'album. Et puis on va jouer en France en juillet. Et il y aura d'autres concerts pour l’automne et l’année prochaine”.
Antoine P. : “C’est une sortie particulière pour nous, parce que ça fait quand même quatre ans qu'on est dessus par la force des choses puisqu'on a commencé à enregistrer en 2019 et on comptait sortir ça en 2020. Et puis s’est passé ce qui s'est passé. C'était la première fois qu'on vivait une situation aussi extrême de commencer à travailler sur un projet une certaine année et puis qu’il sorte quatre ans plus tard. C'est vraiment un timeframe qu'on n’avait jamais vu. Je pense que c'est une sortie aussi réjouissante qu’éprouvante pour nous. Pendant quatre ans, on a construit cet album dans le silence. Maintenant qu’il est sorti, on a envie de vraiment faire vivre ce disque. Mais c’est très étrange aussi pour nous”.
“On a joué notre premier concert live depuis la sortie de l'album récemment et c'est dingue pour moi de jouer des morceaux qu'on travaille depuis quatre ans pour la première fois en live et de sentir une si grande fraîcheur. Je pense que le fait qu'il y ait eu tellement de temps depuis la création jusqu'à la sortie a permis d'avoir une espèce de recul en plus sur la musique et de ne pas vouloir reproduire exactement ce qu'il y a sur le disque, mais de nous laisser aussi la liberté d'évoluer avec cette musique.”
Découvrez le groupe Next.Ape à l'Ancienne Belgique le 17 mai à Bruxelles.
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