Sofie Gråbøl aborde une autre manière de jouer dans ‘Rose’ : "J'ai dû me laisser aller"

Cinéma |

Le film dramatique danois ‘Rose’ sort aujourd’hui dans les salles. Ce n’est pourtant pas la première dans notre pays. Il a déjà été projeté au Festival du Film d’Ostende en février dernier et est ressorti lauréat du prix du public. L’actrice principale Sofie Gråbøl (‘The Killing’, ‘The House that Jack Built’) incarne avec grande sensibilité la schizophrénie. L’habituée du cinéma de Lars Von Trier a été applaudie pour cette interprétation. Pickx s’est donc entretenue avec elle sur ce rôle particulier.

De Pickx

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Lors du Festival du Film d’Ostende, Sofie Gråbøl s’est déplacée en personne pour présenter l’oeuvre.'Rose' est le portrait émouvant et humoristique d’une Danoise, Inger, atteinte de schizophrénie. Sa soeur Ellen et son beau-frère Vagn l’accompagnent pour un voyage en car jusqu’à Paris. Devant le groupe de touristes danois, elle annonce la couleur : "Bonjour. Je m’appelle Inger. Je suis schizophrène. Parfois, je vais bien. Souvent, je vais mal…". De quoi un peu inquiéter certains passagers qui ne connaissent rien à la maladie.

Bonjour, on peut lire que 'Rose' est basé sur le vécu du réalisateur, Niels Arden Oplev.

Sofie Gråbøl : "En effet, il s'agit d'une histoire très personnelle pour lui. C'est un réalisateur brillant, qui sait si bien raconter des histoires. Il réussit à être à la fois large et profond. ‘Rose’ est un film que tout le monde peut apprécier. Cela fait des années qu’il voulait raconter l’histoire de sa soeur, il voulait lui rendre hommage. Elle lutte contre une maladie très grave".

Comment cela s'est-il traduit sur le plateau ? Voulait-il qu'elle soit représentée d'une manière spécifique ?

S.G. : "En effet. Lorsque Inger, c’est le nom du personnage inspiré de Maren-Elisabeth, rencontre des personnes dites "normales", elle crée involontairement des situations absurdes. Le film trouve un équilibre entre la douleur qu'elle vit au quotidien et l'humour, car il y a de quoi rire dans ce film. C'était l'un des plus grands défis pour moi : réussir à reproduire cette nuance. Une scène peut presque ressembler à de la comédie, mais la suivante peut être douloureuse et sombre. Inger doit donner l'impression d'être une personne réelle".

Une autre manière de travailler

Avez-vous rencontré Maren-Elisabeth ?

S.G. : "Oui, plusieurs fois avant le tournage. La première chose que j'ai faite après avoir lu le scénario, ça a été de faire des recherches sur les troubles mentaux, en particulier la schizophrénie. Mais au bout d'un moment, j'ai senti que cela ne me menait nulle part. Je me suis rendu compte qu'on ne peut pas jouer un diagnostic. Vous agissez comme une certaine femme. C'est comme si vous jouiez un médecin. Oui, mais quel genre de médecin ? Mes recherches ne m'ont pas aidée à trouver le personnage. Vous savez, j'ai commencé à jouer en 1985, à l'âge de 17 ans. Aujourd'hui, j'ai 54 ans. C'était la première fois que je jouais une personne que je pouvais rencontrer. C'est donc ce que j'ai fait."

Cela a dû être un moment très spécial.

S.G. : "C'était le cas, pour plusieurs raisons. Maren-Elisabeth est une personne très spéciale. Elle a un grand sens de l'humour et j'ai adoré être en sa compagnie. Sa façon de voir le monde et de s'engager dans le monde est unique. Après notre première rencontre, j'ai senti que je devais l’oublier immédiatement, j’avais peur d'essayer de l'imiter à la lettre. Niels a volontairement renommé le personnage, ce n'était pas censé être un documentaire. D'un autre côté, tout ce qui se trouve dans le film s'est réellement produit. Je devais donc trouver un juste milieu et ce fut un long processus. Au final, je ne pourrais pas vous dire quelle part de Maren-Elisabeth, de Niels ou de moi-même se trouve dans le personnage. J'avais quelques minutes de vidéo de Maren-Elisabeth sur mon smartphone, que je gardais toujours dans un coin de ma tête."

"Je ne suis pas quelqu'un qui répète beaucoup pour un rôle. J'y pense beaucoup et j'en parle avec le metteur en scène et les autres acteurs, mais commencer à jouer, c'est comme sauter d'une falaise. Vous voyez ce qui se passe. Pour ce rôle, nous avons discuté de la manière dont nous allions représenter Maren-Elisabeth, comment elle marcherait et parlerait. Et chaque fois que je l'ai représentée dans ces scènes, je me suis sentie idiote".

Est-ce que vous craigniez qu'en l'imitant vous tomberiez dans la parodie ?

S.G. : "C'est tout à fait ça. Cela ne devait pas du tout devenir une parodie. Lorsque nous avions commencé à tourner, le premier jour de tournage, nous avions le château de Versailles pour nous seuls, j'étais frustrée, car je sentais que je n'avais pas encore trouvé le bon équilibre. Je savais parfaitement ce que je ne voulais pas faire. Il ne fallait pas que ce soit trop mignon, ni parodique... Mais si vous vous mettez trop de restrictions, cela peut nuire à votre processus créatif. J'étais donc très contrariée pendant ces jours de tournage.

Ensuite, nous sommes retournés au Danemark pour filmer le reste, les scènes à l'intérieur, dans les chambres d'hôtel et dans le bus. Nous avons roulé pendant une journée entière, puis nous avons eu un week-end de repos. Ces jours-là, j'ai réfléchi au personnage et j'ai pensé à le laisser tomber et à laisser Maren-Elisabeth rayonner. C’était peut-être un peu trop, mais cela n'avait pas d'importance, parce qu'elle était comme ça. Les derniers jours du tournage, nous avions fait d'autres essais. J'étais persuadée que Niels en tirerait les meilleures prises au montage. Au final, il a utilisé les scènes où j'avais l'impression d'être allé trop loin. Elles lui semblaient appropriées."

Un rôle libérateur

Les critiques font l'éloge de votre jeu. Certains disent que c'est le rôle de votre vie. Êtes-vous d'accord avec cela ?

S.G. : "C'est peut-être effectivement le rôle de ma vie, dans le sens où je n'ai jamais été aussi loin sur le plan artistique. C'est le rôle le plus difficile, mais aussi le plus inspirant et le plus gratifiant jusqu'à présent. Je suis par nature assez précise et contrôlée, mais cette fois, j'ai pu me laisser aller et me laisser guider par le personnage. Je n'ai pu le faire que parce que l'histoire est basée sur une vraie personne. C’est un film sur une personne malade, mais pas de cette maladie. Cela m’a permis d’avoir plus de liberté dans le rôle, je n'ai pas ressenti de pression pour représenter un certain groupe de personnes."

Beaucoup pensent encore que la schizophrénie est synonyme de dédoublement de la personnalité. Selon vous, le film peut-il également avoir un rôle éducatif ?

S.G. : "Oui, en effet, et c'est ce qui est si beau dans la façon dont Niels raconte cette histoire. Il s'agit de personnes qui se rencontrent par hasard au cours d'un voyage en bus, et qui deviennent une sorte de mini-société qui avance le long de la route. On ne sort pas du cinéma en étant psychologue, il ne s'agit pas d'en savoir plus sur le diagnostic, mais on apprend sur la façon dont nous, en tant qu'humains, abordons quelqu'un de différent. Si elle n'avait pas été du voyage, tout se serait bien passé, mais cela aurait été ennuyeux. Par sa présence, elle permet aux autres passagers de vivre des expériences, elle a des conversations qui élargissent leur horizon. En ce sens, le film peut être éducatif.

"La vérité, c'est que s'il n'y avait pas dans notre société des gens qui pensent différemment des autres ou qui voient le monde différemment, nous n'avancerions jamais. Nous continuerions à nous frapper la tête les uns les autres avec des haches de pierre. Nous avons besoin de gens comme ça !".

'Rose est à partir du 29 mars dans les salles belges.



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