‘The Fabelmans’ de Steven Spielberg présenté en avant-première au Festival du film d'Ostende

Le film semi-autobiographique ‘The Fabelmans’, basé sur un scénario de Steven Spielberg et Tony Kushner, suit le personnage fictif de Sammy Fabelman (Gabriel LaBelle), un jeune cinéaste en herbe. Quiconque connaît un tant soit peu la vie personnelle de Spielberg se rendra vite compte que l'histoire est calquée sur sa propre enfance et son éducation peu conventionnelle. En effet, une grande partie du film tourne autour de la vie familiale de Sammy dans l'Arizona de l'après-guerre, où il vit avec sa mère artiste Mitzi (Michelle Williams), son père ingénieur Burt (Paul Dano) et ses trois sœurs. Il fait régulièrement appel à ses sœurs pour jouer dans ses "films familiaux", mais les choses prennent un tournant brutal lorsque le mariage de ses parents commence à s'effondrer.

Les parents de Steven Spielberg, Leah Adler et Arnold Spielberg, ont divorcé quand il avait 19 ans. Un moment qui, comme dans le film, a coïncidé avec sa carrière cinématographique naissante. Cette séparation a eu lieu après que la famille ait déménagé de l'Arizona à la Californie pour le travail du père de Spielberg, mais celui-ci a longtemps prétendu à ses enfants qu'il avait divorcé de Leah Adler, plutôt que l'inverse. Comme dans ‘The Fabelmans’, Leah a eu une liaison avec le meilleur ami de son mari qui était comme "un oncle" pour Spielberg et ses sœurs.

L'une des scènes cruciales de ‘The Fabelmans’ tourne précisément autour de l'affaire Mitzi. Lorsque Sammy examine les images d'un voyage de camping en famille, il s'avère que sa caméra a accidentellement capturé des preuves que Mitzi avait une liaison avec Bennie, c'est-à-dire le meilleur ami de son père. Sammy montre alors la vidéo à sa mère, mais ne la montre pas au reste de la famille. Steven Spielberg a en effet découvert la liaison de sa mère à l'âge de 16 ans, soit trois ans avant le divorce de ses parents, en regardant effectivement les images qu'il avait prises de leur voyage en camping. Spielberg a déclaré qu'il s'agissait d'un secret entre lui et sa mère et qu'ils l’ont partagé pendant la majeure partie de leur vie.

En raison de ce divorce et du fait que son père a endossé la responsabilité de la fin de leur relation, Steven Spielberg ne lui a pas non plus parlé pendant 15 ans, ce qui laisse néanmoins penser qu'il y avait d'autres tensions entre son père et lui.

L'impact de ce divorce se retrouve par ailleurs de manière subtile dans de nombreux films du réalisateur : ‘Rencontres du troisième type’ (1977), ‘E.T.’ (1982), ‘Indiana Jones et la Dernière Croisade’ (1989), ‘Attrape-moi si tu peux’ (2002) ou encore ‘La Guerre des mondes’ (2005), dans lesquels les pères sont souvent absents ou l’histoire tourne autour d’une querelle père-fils. Finalement, Steven Spielberg s'est réconcilié avec son père et lui a même dédié ‘Il faut sauver le soldat Ryan’ (1998), en tant que vétéran de la Seconde Guerre mondiale.

Dans ‘The Fabelmans’, nous voyons que Sammy et ses sœurs ont un singe de compagnie. Ce fut également le cas avec les Spielberg. Leah Adler avait vu dans une animalerie du nord de la Californie un singe qui souffrait de dépression. Elle l’a alors ramené chez elle, dans une grande cage à l'arrière de sa Jeep, ce qui a fait paniquer ses enfants.

Le film utilise également ce singe comme une sorte de métaphore de la personnalité folle et libre de Mitzi et de sa santé mentale déclinante après le déménagement. Selon Spielberg, ce singe était en effet une grande distraction pour sa mère, mais aussi un compagnon thérapeutique car, à ce moment-là de sa vie, elle traversait une grave dépression.

Une fois que Sammy a déménagé avec sa famille de l'Arizona à la Californie, il devient également victime de harcèlement scolaire. Ses nouveaux camarades de classe ne le laissent pas tranquille, l'appelant "bagelman" (ndlr: "connard") et barbouillant son casier de slogans antisémites. En effet, dans le documentaire ‘Spielberg’ (2017), le réalisateur explique que son éducation juive orthodoxe était en contradiction avec le quartier dans lequel il a grandi, car il n'y avait pas de Juifs. En fait, le fossé culturel était si grand que sa mère se souvient d'enfants se tenant devant leur maison en criant : "Les Spielberg sont de sales juifs".

Cela a marqué le jeune Steven car, pendant des années, il s'est éloigné de son identité juive. Cela n'a changé que lorsque sa femme Kate Capshaw s'est convertie avant leur mariage en 1991. Plus tard, Spielberg a également réalisé le drame sur l'Holocauste ‘La liste de Schindler’ (1993) et a fondé la Fondation Shoah, une organisation éducative à but non lucratif qui préserve les témoignages sur l'Holocauste et d'autres génocides.

En tant que cinéaste en herbe, Sammy rencontre également John Ford, un réalisateur de films légendaires, tout comme le jeune Spielberg, qui a lui aussi rencontré le monument du cinéma. En effet, Spielberg a postulé pour un emploi d'assistant de production sur la série ‘Papa Schultz’ de CBS. Au cours de l'entretien, la personne responsable l'a encouragé à ne pas oublier de traverser le hall, où se trouve le bureau de l'un des plus grands réalisateurs de tous les temps. Une fois dans la pièce, Spielberg s'est rendu compte qu'il s'agissait du bureau de John Ford (joué dans ‘The Fabelman’ par David Lynch). Ce dernier a ensuite donné à Spielberg/Sammy quelques conseils sur la meilleure façon de filmer un horizon basé sur les peintures accrochées aux murs de l'endroit et a conclu par le mythique "Maintenant, dégagez", comme dit au jeune Sammy.

On peut donc en conclure que les scènes mythiques du film sont bels et bien le reflet de la réalité de l'enfance du grand réalisateur Steven Spielberg !

Retrouvez ‘The Fabelman’ au Festival du film d’Ostende le 28 janvier, le 1^er février et le 4 février. Infos et tickets, ici.