Entre psychose et renaissance, Edouard Van Praet se livre sur son nouvel EP ‘Cycles’

Musique |

“J’aime quand la musique me dépasse et que je suis surpris de ce qui en ressort”, nous explique notre artiste de la semaine,  Edouard Van Praet. Avec son premier EP ‘Doors’ sorti il y a deux ans, le dandy bruxellois ouvrait des portes vers l'avenir. Dans ‘Cycles’, le chanteur belgo-canadien de 25 ans prend du recul et nous emmène d’un état à l’autre, tout en s’inspirant du psychédélisme des années 60-70. 

De Pickx

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Qu’as-tu voulu raconter dans ton second EP ‘Cycle’ ? 

Edouard Van Praet: “Le premier EP ‘Doors’, c'était plus la question d'ouvrir des portes et de tester des choses différentes. Pour celui-ci, le titre est venu au dernier moment, deux semaines avant de le publier. Je me suis rendu compte que la plupart des chansons parlent des montées, des descentes, des répétitions, de personnages qui tournent en rond et qui veulent atteindre quelque chose d’inatteignable ou qui n'existe pas. Tel qu’un idéal. J’ai beaucoup travaillé sur le style lors des compositions avec des atmosphères, que ce soit des saisons, des humeurs. Il y a des passages très ambiants et d’autres qui éclatent plus.

Dans ‘Cycles’, on est plus dans quelque chose de l'ordre de la frustration de l'inatteignable. Ce sont des montées et des descentes avec une chanson rassurante après une autre angoissante. J'aime jouer là-dessus, sur ces moments de soupirs, d'angoisse, de crispation et de peur. La transition d'un état à l'autre aussi, de la joie à la dépression, du deuil à l'espoir. Dans ma musique, c'est ce que j'essaie de faire, concilier tous les opposés et d'arriver à une forme presque divine d'unité et de réconciliation”

L’EP est très profond et introspectif, à quel point y-a-t-il une part de réel et de fictif ? 

E.v.P: “Je pense qu’il y a des deux. Les paroles tout comme la musique sont souvent un reflet de ce que j'essaie de faire lors de mon processus créatif. C'est-à-dire, d'arriver à une forme de transe unifiante où il y a une indistinction totale de ce qui m'appartient et de ce qui appartient aux autres. J'aime être dans quelque chose d'un peu flou. J'écris de manière assez automatique, et puis après je sculpte. Mais la plupart du temps, j'aime bien être dans un état de transe et que la musique me dépasse. J'aime être surpris par ce qui sort plutôt que d'être dans la maîtrise totale de ce qui arrive. Les paroles parlent beaucoup de ça parce qu'il y a cette volonté d'atteindre cet état unifiant, parfait ou tout ne fait qu’un. C'est un état qui est extrêmement difficile à atteindre si je pense à une certaine échelle. Il y a évidemment des passages plus personnels, et puis il y a de la fiction, surtout lorsqu’il s’agit des clips par exemple. Dans ce cas, même s' il y a du vrai, c’est beaucoup de mise en scène. L'idée d'être un peu dépassé par les choses, ça me parle personnellement.

Tu as fait des études en psychologie, en quoi ton parcours a influencé ta musique ? 

E.v.P: "Ça l'a influencé, mais au final c'est un peu comme deux faces d'une même pièce. La psycho en tant que tel, c'est un autre versant où on doit garder les pieds sur terre et être dans une fonction de soignant qui nous est attribuée. Dans la musique, je suis un peu plus dans le versant de la fonction soignée ou malade. J'essaie d'atteindre ça à travers quelque chose qui est moins cadré. En analyse, il y a un cadre très particulier qui est établi face à face. Dans la musique, l'idée c'est aussi de dépasser les limites, d'aller dans la psychose, et dans ce truc qui nous met un peu mal à l'aise, qui fait peur, qu'on ne se permet peut-être pas de faire dans la vie de tous les jours. C'est un exutoire, mais c'est aussi une tentative de compréhension des émotions humaines”. 

Comment se déroule ton processus d'écriture et comment atteins-tu cet état de transe ? 

E.v.P: “J'écris toujours sur une mélodie et une ambiance que j'ai créées avant. Si je vois que je m'arrête trop et que je n'y arrive pas, c'est que je ne suis pas dans un bon état de transe parce qu'il y a trop de jugement par rapport à ce que je fais. Je préfère ne pas avoir ce 'moi' qui me dit 'ah non, ça c'est pourri'. J'essaie d'atteindre des moments de grâce où les choses s'alignent et fonctionnent. Puis il y a des moments où ça ne fonctionne pas et c'est frustrant. Je pense que j'essaie de l'atteindre à 100 %, mais existe-t-il vraiment ? Il n'y a pas une bonne méthode. Comme Leonard Cohen disait souvent: 'Si je savais d'où venaient les bonnes chansons, j'y irais plus souvent'. C'est pour ça que j'aime bien enregistrer chez moi aussi. Il y a des moments où on a envie de se poser et on sent qu'il y a quelque chose qui va venir. C'est un luxe de pouvoir essayer des trucs à tout moment. Je n'ai pas vraiment de routine. D'ailleurs, j'admire les artistes qui arrivent à se poser vraiment tous les matins devant leur page blanche”.

‘Ivresse’ est ta première chanson diffusée en français, pourquoi ce changement ? 

E.v.P: “Je pense que j'ai commencé à écouter beaucoup plus de chansons en français. Ça m'a un peu intriguée parce que chez moi, écrire des chansons, ça venait naturellement en anglais. Je parle cette langue avec mon père qui est Canadien. Et puis, la musique que j'écoutais beaucoup était en anglais. Une langue a selon moi ses propres mélodies et celles que je connaissais, c'était surtout celles de l'anglais. J'ai essayé de forcer quelques chansons en français, ça n'a pas fonctionné. Ivresse, par contre, est sortie assez naturellement. J'étais content avec le résultat”.

Comment s’est passé le tournage du clip d’Ivresse, entièrement tourné en un plan-séquence ? 

E.v.P: “ C'est une expérience incroyable où les choses s'animent d'un coup. J'avais l'habitude d'être accompagné par de plus petites équipes de tournage. Donc là, c'était quand même une équipe un peu plus grande. De voir que les choses sont aussi coordonnées, avec les lumières qui s'allument et s'éteignent au bon moment. Le timing était bon. Quand je regarde le clip après avoir tourné, je découvre encore de nouvelles choses comme les images qui s'alignent parfaitement avec le son, les paroles. Je suis vraiment ravi du travail avec l'équipe et d'Alice Khol qui m'a encouragé à faire un plan-séquence. La sensation quand ça fonctionne est incroyable”.


En quoi ce deuxième EP diffère du premier ? 

E.v.P: “Il y a plus de monde impliqué dans le projet. Dans l'enregistrement, on reste dans un truc un peu hybride. J'avais envie de garder cette partie enregistrée chez moi. Mais bon, il y a toute une partie où on est allé en studio pour enregistrer les batteries et certaines basses. Il y a le morceau ‘Clementine’ qu'on a enregistré en live, avec les musiciens avec lesquels je joue sur scène. Lorsqu'on est tout seul chez soi, on est généralement un peu bloqué par le métronome. En groupe, c'est très différent car il y a des ralentissements et des accélérations. C'est quelque chose d'un peu plus organique. Même si j'aime bien le métronome par moment, ça fait du bien de pouvoir switcher de l'un à l'autre. 

Tu étais plus dans des groupes avant de te lancer en solo, comment ça se passe pour toi maintenant?

E.v.P: “Très bien. J'étais un peu arrivé à un stade de saturation des groupes. J'avais du mal à être sincère. J'étais plus très content de ce qui arrivait. Il y a eu un blocage à un moment donné et j'étais un peu épuisé. Je faisais mon stage en psychiatrie à ce moment-là et j'ai tellement adoré. Je me suis dit que j'allais arrêter la musique car je ne pensais pas que ça me faisait encore du bien. Et de manière étonnante, c'est à ce moment-là que j'ai commencé à écrire de manière plus légère et en étant moins critique de ce que je faisais. C'est un peu comment le premier EP est arrivé. Maintenant, l'expérience en groupe, je suis ravi avec ça. Je suis rassuré aussi que ce soit quelque chose qui inspire d'autres personnes et que je sois capable de faire”. 

Au niveau de ton parcours musical, comment es-tu arrivé dans la musique ? 

E.v.P: “Depuis tout petit, j'imagine des mélodies. J'ai suivi des cours de piano quand j'étais très jeune, mais j'ai arrêté. Tout l'aspect plus académique de l'apprentissage musical, ça m’a toujours un peu freiné. J'ai vraiment commencé la musique quand j'avais quinze-seize ans et que j'ai rencontré Joseph, mon meilleur ami. On passait notre vie à deux à écouter énormément de musique et à délirer. A un moment, des guitares nous sont tombées dans les mains. On s'est dit : on va commencer un groupe alors qu'on ne savait pas jouer un instrument ni chanter. On a écrit des paroles et cinq ou six mois plus tard, on a fait notre premier concert dans une salle absolument vide. On pensait être des méga rockstars parce qu'on avait bu deux bières avant notre concert. Les musiciens sont arrivés par la suite. C'est vraiment avec Joseph que j'ai concrétisé un peu le truc. Depuis ce moment-là, je n'ai plus arrêté”. 

Quels sont tes inspirations musicales pour cet EP ? 

E.v.P: “J'ai beaucoup écouté des musiques des années septante, des albums de David Bowie, la trilogie berlinoise et les Roxy Music. J'ai commencé à écouter des musiques d'ambiance aussi comme Brian Eno et Abul Mogard. Beaucoup de musiques qui étaient sans paroles avec une ambiance et la musique à synthétiseurs aussi. J'avais déjà cet attrait pour les synthétiseurs dans mon premier EP. Ici, j'apprends encore mais j'essaie d'avoir un peu plus de maîtrise. J'ai écouté beaucoup de rap également. Je traînais dans beaucoup d'endroits où il y avait de la musique électronique aussi. J'ai découvert Hubert Lenoir après avoir composé l'EP, et c'est un univers qui me parle beaucoup. 

Ween est également un groupe qui m'a suivi dans mes deux EP. C'est un groupe qui n'hésite pas à changer de style d'une chanson à l'autre et c'est exceptionnel. On associe souvent un style musical à des lieux ou à des émotions. La capacité d'utiliser ça pour transporter les gens et d’en utiliser quelques références, sans pour autant rester dans un pastiche du style, c'est un truc qui me parle beaucoup. Avec la chanson 'Clementine', j'ai voulu par exemple ajouter un côté un peu plus jazzy. J'y ai mis un piano jazz dessus et ça s'est mis naturellement, sans pour autant avoir d'influences sur le reste". 



Le nouvel EP 'Cycles' d'Edouard Van Praet sort ce vendredi 25 novembre. Il présentera ses nouvelles musiques au Botanique le 16 décembre, une scène qu’il connaît bien pour y avoir fait la première partie d’autres artistes. Cette fois, il sera l’homme de la soirée. Pour plus d’infos et tickets, rendez-vous sur le site du Botanique. 

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