Rencontre avec Laure Portier, qui a filmé son frère pendant 15 ans dans 'Soy Libre'

Cinéma |

À l’occasion de la projection de 'Soy Libre' lors du Mois du Doc, Pickx s'est entretenu avec la réalisatrice Laure Portier. Filmé sur une période de 15 ans, son film raconte l'histoire poignante de son frère, de sa sortie de prison en France jusqu'à sa nouvelle vie au Pérou.

De Pickx

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'Soy Libre', votre premier long métrage, après avoir été diffusé en salles en Belgique, sera diffusé dans le cadre du Mois du Doc. Comment vous est venu l’idée de faire un film sur votre frère ?

Laure Portier: "Le point de départ était de faire du cinéma avec mon frère, donc c'était même beaucoup plus large que ça. J'étais étudiante en cinéma à l'INSAS à Bruxelles et lui était en centre éducatif fermé. Je nous imaginais un jour faire du cinéma ensemble, mais je n'avais pas encore d'idée précise. Entre-temps je me suis formée, je l'ai fait venir sur des films de fin d'études et j'ai vite compris que le côté laborieux d'être derrière la caméra ne l'intéressait pas des masses. Plus tard, j'ai compris que mon frère comme moi voulions raconter son histoire. C'est lors de sa sortie de prison en 2012 que le projet a réellement pris forme. Nous allions faire un film sur son histoire, un film destiné au grand écran. J'ai alors commencé à filmer et à écrire le scénario."

Vous l’avez accompagné durant 15 ans. Est-ce que l’idée a toujours été de faire un long métrage ou la nature du projet a évolué au fur et à mesure ?

L.P.: "J'ai toujours voulu faire un long métrage pour le cinéma, ce que je dissocie de la télévision et l'audiovisuel. Ce n’est pas le même financement ni les mêmes enjeux. En télévision par exemple, à partir du moment où des chaînes mettent de l'argent dans un projet, elles ont un droit de regard sur le montage, ce que je voulais éviter pour mon premier film."

Vous avez dû convaincre votre frère ?

L.P.: "Pas du tout. Dès le début, quand j'ai fait des essais avec la caméra, j'ai vu qu'il s'épanouissait sous le regard de la caméra. Ce qui était beaucoup plus compliqué c'était d'impliquer un tiers, comme un ingénieur du son par exemple, ce n’est pas qu'il disait non, mais cela ne marchait pas, donc j'ai très vite arrêté."

Qu'est-ce que vous vouliez transmettre en racontant son histoire ?

L.P.: "Comme l'histoire et le projet se déroulent sur 15 ans, je pense que ma note d'intention évolue au fur et à mesure. Le moteur de départ était de le venger, de lui rendre justice. Il avait pour moi subi une injustice sociale et il fallait la réparer. L'idée était aussi de pouvoir muer, évoluer, changer d'endroit. Il devait y avoir un point de départ et un point d'arrivée, c'est pour ça que le tournage a duré aussi longtemps. Il fallait attendre d'avoir le point d'arrivée. Et le scénario a évidemment évolué, ma première idée était finalement assez bourgeoise, je voulais que mon frère retourne à l'école, qu'il se réintègre à la société, mais il s'en est bien défendu."

C’était une manière de passer du temps avec lui ?

L.P.: "A posteriori oui, évidemment, si on n'avait pas eu ce projet commun est-ce qu'on aurait partagé autant de choses ? Je ne sais pas. Mais en tout cas l'enjeu était d'avoir un projet commun. Si j'avais fait un autre métier, on aurait peut-être fait autre chose ensemble."

Est-ce qu'il a bien aimé le film ?

L.P.: "Il était très critique, il l'a vu une fois tout seul sur grand écran à Bruxelles. Les 20 premières minutes sont mal montées selon lui. Mais il est fier de ce que nous avons fait et il le valide !

Avec un tournage qui s'est déroulé sur 15 ans, le montage devait être un sacré casse-tête ?

L.P.: "Et bien non, pas tant que ça, on avait 80h du rush, ce qui est très peu pour 15 ans de tournage. Cela correspond à la matière d'un long métrage de fiction. Le montage s'est fait en 12 semaines."

Vous avez été influencé par d’autres documentaires ?

L.P.: "Oui, mais pas forcément du côté des documentaires, je me suis plus inspiré de certaines œuvres cinématographiques, surtout au niveau du montage. Un documentaire que j'aime beaucoup c'est 'Gigi, Monica et Bianca' de Benoît Dervaux et Yasmina Abdellaoui. Le film raconte l'histoire de deux enfants dans les rues de Bucarest, et c'est aussi une histoire de mue, puisqu'ils passent du statut d'enfants à celui de parents. Comme dans mon film, l'idée est de filmer le réel, mais ça reste du cinéma. Côté fiction je peux citer 'Sailor et Lula' de David Lynch, j'imagine très bien mon frère en Nicolas Cage."

Quels sont vos futurs projets ?

L.P.: "Je suis en train d'écrire une fiction, un long métrage également, qui tournera autour de la maternité, mais je n'en dirai pas plus !"

'Soy Libre' est à voir à travers la Belgique francophone dans le cadre du Mois du Doc (1er au 30 novembre). Les séances de 'Soy Libre' et la programmation complète sont à voir sur le site de l'évènement

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