Dauphiné 1998: la météorite De Las Cuevas

Sports | La 75e édition du Dauphiné Libéré, une course qui sert de banc d'essai et de tremplin pour le Tour de France, s'élance dimanche de Chambon-sur-Lac. Cette répétition générale de la Grande Boucle, qui alterne étapes plates, profils vallonnés et arrivées au sommet, propose aussi un chrono en guise de juge de paix. L'occasion de nous souvenir du regretté Armand de Las Cuevas, vainqueur du Dauphiné en 1998, un rouleur-grimpeur qui n'a sans doute pas eu la carrière qu'il méritait...

De Tagtik

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Armand de la Cuevas n'est pas un inconnu quand il s'empare de la tunique de leader du Dauphiné Libéré, au terme de la troisième étape de l'épreuve, le 10 juin 1998, au sommet du Mont Ventoux. Mais jusque là, il s'est plutôt distingué par ses frasques, alternant les coups d'éclat et les coups de sang.

Exclu du Giro 1991

Lors du Giro 1991, son premier grand tour avec la formation Banesto, dirigée par le très autoritaire José Miguel Echavarri, il est exclu de la course après avoir fait le coup de poing avec le Colombien Julio Cesar Ortegon. Il sera sacré Champion de France cette année-là.

L'année suivante, il s'impose lors du prologue du Tour de Romandie (qu'il achèvera à la 4e place) et gagne ainsi sa sélection au sein de la garde rapprochée du grand Miguel Indurain lors de son doublé Giro/Tour.

Dans l'ombre envahissante d'Indurain

Sur le Tour, il épate tout son monde, à 24 ans, en prenant la deuxième place du chrono de Luxembourg, à 3 minutes d'Indurain, un extraterrestre du contre-la-montre à l'époque. Indurain réalise ce jour-là l'un des plus grands exploits de sa carrière sur les 63 kilomètres du parcours, ce qui donne encore plus de relief à la perf' de son coéquipier.

Armand de Las Cuevas finit ce contre-la-montre devant des pointures comme Gianni Bugno, Greg LeMond, Claudio Chiappucci, Laurent Fignon ou Pedro Delgado. Quelques jours plus tard, De Las Cuevas explose dans les Alpes et abandonne. Brouille avec la Banesto

L'année suivante, il est 4e de Paris-Nice (dont il gagne une étape) avant de se rendre sur le Giro 1993, où il se brouille avec Indurain et son directeur sportif. Alors qu'Echevarri lui demande de s'économiser lors du contre-la-montre et de garder des forces pour aider son leader, il insiste pour pouvoir défendre ses chances. Echevarri cède, mais au départ du chrono, De Las Cuevas constate qu'on ne lui a pas préparé un vélo de chrono. "Je me suis senti trahi. J'ai fait le contre-la-montre tranquille et le lendemain, quand Miguel a été attaqué, je n'ai pas bougé. Echavarri l'a mal pris. Miguel s'est retrouvé seul et a failli perdre le Giro. Echavarri m'a dit que je ne courrais plus pour Banesto." Les années Guimard

Il retrouve du boulot en fin de saison chez Castorama, sous la direction de Cyrille Guimard et s'impose dans le Grand Prix des Nations, une épreuve contre-la-montre aujourd'hui disparue, qui ne compte que dans grands rouleurs à son palmarès.

Guimard en fait le leader de Castorama pour le Tour d'Italie 1994 et De Las Cuevas se pare de rose après avoir remporté le contre-la-montre inaugural, à Bologne deux secondes devant Evgeni Berzin. Il finit neuvième de ce Giro. Il estime cependant qu'il aurait pu terminer à la troisième place et qu'il a perdu ses chances en heurtant une barrière de sécurité lors du deuxième contre-la-montre. Le mois suivant, au Tour de France, il termine troisième du chrono entre Périgueux et Bergerac derrière Indurain et Rominger. Il est quatrième du classement général après la seizième étape à l'Alpe d'Huez. Soufrant d'une bronchite, il abandonne le surlendemain. En août, il s'impose en solitaire lors de la Classica San Sebastian, manche de la Coupe du Monde.

Video : De Las Cuevas wins Clasica San Sebastian 1994



Mais son équipe et Guimard l'accusent d’alimenter la fronde parmi les coureurs. Suspendu en interne, privé de salaire, De Las Cuevas annonce sa retraite à 23 ans et se réfugie en Guadeloupe. Il repousse les propositions de remonter sur un vélo.

Dauphiné 1998, l'oeuvre de sa vie

Après un intermède au sein de l'équipe Casino, il revient en 1997 chez Banesto et s'aligne au départ du Dauphiné 1998 dans une équipe privée de son leader d'Abraham Olano.

Lors de la troisième étape de ce Dauphiné qui mène les coureurs au sommet du Ventoux, De Las Cuevas fait bien mieux que de jouer les utilités pour son équipe. De Las Cuevas reste dans la roue de son équipier, le sublime et regretté grimpeur espagnol Jose Maria Jimenez, alors qu'un troisième Banesto, Miguel Angel Pena, complète le triplé de l'équipe sur le Géant de Provence. Virenque, Moreau, Jalabert et les autres sont largués... à plus de 2 minutes 30.

Mais la vraie sensation de cette journée pluvieuse, c'est le maillot jaune, qui revient à De Las Cuevas dans cette équipe sans véritable leader.



Le lendemain, De las Cuevas résiste bien et limite la casse dans un chrono remporté par Chris Boardman où il finit 16e, payant ses efforts de la veille.

Deuxième triplé en quatre jours

Lors de la dernière étape, disputée entre Megève et Megève, De Las Cuevas va devenir le premier Français à inscrire son nom au palmarès du Dauphiné depuis Charly Mottet en 1992, en prouvant que ce succès ne doit rien au hasard. S'appuyant sur la solidité et la cohésion de l'équipe, les Banesto réalisent un autre triplé, mais dans un ordre différent, afin d'offrir à Pena (de surcroît dauphin de De Las Cuevas au classement général) une victoire de prestige. Jose Maria Jimenez, meilleur grimpeur de ce Dauphiné, a pris la poudre d'escampette dans l'avant-dernière difficulté du jour, puis il attend Pena et De Las Cuevas qui ont faussé compagnie à un groupe avec Richard Virenque, Jean-Cyril Robin et le Colombien Contreras. Les trois compères de Banesto franchirent la ligne d'arrivée presque côte à côte, les bras levés. De Las Cuevas signe là, à 30 ans et sur le tard le plus grand succès de sa carrière. Peut-il gagner le Tour 1998? Indurain est retraité, Riis a l'âge de ses artères, Ullrich est encore très jeune. Et Armstrong revient à peine de son cancer...

Privé du Tour 1998

Mais Banesto ne le sélectionne pas pour le Tour 1998, qui aurait pu être son chef-d’œuvre. Mésentente avec l’autre homme fort de l’équipe, l’Espagnol Abraham Olano, comme le Français dépité l'expliquera ? Cette Grande Boucle reviendra à Marco Pantani.

Déprimé, il s'enferme dans la rébellion et quitte les pelotons après une dernière pige pour la formation italienne Amica Chips, qui rassemble des anciennes gloires. Les salaires ne sont pas payés : il fait grève en terminant dernier de toutes les courses.

Seul face à ses démons

Ensuite, on perd sa trace. Concierge d'un immeuble près de Bordeaux, il retourne à La Réunion où il remonte sur le vélo à 38 ans, sur des épreuves amateur. En 2006, sur le Tour de l'île Maurice son principal adversaire est un Kenyan blanc, un certain Chris Froome. De Las Cuevas est contrôlé positif et suspendu six mois.

Seuls face à ses démons, se disant victime d'injustice, incompris, il ne rêvait que d'une chose : s'évader et vivre sur un bateau. Prototype du rouleur-grimpeur, catégorie qui domine aujourd'hui les grands tours, De Las Cuevas avouait n'avoir jamais trouvé sa place dans le milieu. "C'était un fragile, mais c'était un artiste", se souvient Pascal Chanteur, son équipier chez Casino.

Le 2 août 2018, Armand de Las Cuevas se suicide à la Réunion, à 50 ans. Sa dernière échappée... Video : De Las Cuevas gagne le chrono de Bologne (Giro 1994)

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