François Pirette : « Ce n’est pas moi qui ai changé, c’est notre société ! »

Cinéma |

Fort de son succès, François Pirette sera une nouvelle fois bientôt de retour sur les antennes de RTL TVI avec de nouveaux épisodes de son célèbre ‘Mad in Belgium’. Avec presque 40 ans de carrière, l’humoriste semble ne pas lasser le public ni les téléspectateurs. Pour connaitre les clés de sa longévité, Proximus Pickx est parti à sa rencontre !

De Pickx

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Bonjour François Pirette, comment vous sentez-vous depuis la reprise du secteur culturel ?

François Pirette : « Je dois avouer que je ne boude pas mon plaisir, mais je suis surtout heureux du retour à la vie partagée ! Je suis effectivement content de pouvoir refaire ce métier qui est le mien. Finalement, jusqu’ici, c’est anecdotique car on ne passe pas sa vie sur scène. Comme tout un chacun, j’étais surtout impatient de retrouver les moments en famille, entre amis, la vie sociale au sens large, plus que le retour sur scène en lui-même. Attention, je ne crache pas dans la soupe ! En réalité, j’étais encore plus impatient de retrouver la vie culturelle mais en tant que spectateur. J’étais très triste et frustré d’avoir dû me faire rembourser quelques tickets, et encore plus ceux d’artistes vieillissants, de peur de ne peut-être jamais plus avoir l’occasion de les voir sur scène. Mais évidemment, cela m’a fait plaisir de revoir du monde, j’étais loin de me douter il y a deux ans, lorsque je jouais mon spectacle au Cirque Royal de Bruxelles que ce serait ma dernière prestation avant un si long moment.

Je dois dire que c’était assez déroutant de remonter sur scène avec un public à la fois masqué et démasqué. C’est contradictoire avec ce que je fais en fait. Le premier sens d’un spectacle c’est que les gens s’évadent, oublient leurs soucis et, finalement, le masque leur rappelait sans cesse ce que l’on vivait. Cela empêche de se détacher complètement du monde extérieur. »

À quoi peut s’attendre le public avec ce retour de ‘Mad in Belgium’ ?

F.P. : « ‘Mad in Belgium’, c’est un show télévisé qui se donne comme un spectacle. Il y a un public d’adhésion qui est présent et assiste à la représentation à la Comédie en île de Liège, mais il sera proposé en trois parties de 60 minutes en prime time sur RTL TVI très prochainement. C’est un programme vraiment inspiré de l’air du temps, bien plus que par l’actualité. Je joue sur la sensibilité et l’humeur des gens. Quelque part, je me substitue à ce que je devine être le ressenti du spectateur qui vient me voir. Je crée une osmose entre lui et moi, afin qu’il s’entende parler à travers mes personnages. Actuellement, il faut le dire, l’air du temps est assez nauséabond et cela n’a pas du tout été simple, docteur. Du coup, il m’est de plus en plus pénible d’écrire, surtout que je travaille seul depuis toujours. J’écris mes propres textes. C’était un exercice que je n’avais jamais fait en 40 ans de carrière, écrire sur la guerre et ce genre d’atrocité. Je reste dans la même lignée que les précédents shows, c’est-à-dire que je ne fais pas de stand-up mais j’investis uniquement des personnages, déjà connus ou des nouveaux. La télévision est un média froid et il faut pouvoir capter l’attention du téléspectateur. Je n’ai pas la prétention de savoir le faire juste avec ma propre personne, c’est pour cela que j’enfile une fois de plus mes perruques et mes bigoudis. C’est mon côté "chantilly".»

Et cette formule « chantilly », elle fonctionne ?

F.P. : « Visiblement oui, et je regrette qu’elle agace parfois certains. La forme rebute souvent plus que le fond. L'époque a changé, notamment avec les réseaux sociaux où on peut désormais avoir son heure de gloire. J’avoue que parfois, j’en ai moi-même marre de porter cette perruque qui me serre la tête et me donne chaud. Cela me donne envie d’arrêter et puis j’écris et il y a comme une part de schizophrénie, je me remets sans le vouloir dans ces personnages. En plus, tout ce beau monde me bouffe de l’énergie comme ce sont souvent des personnages énergiques ou énervés, mais apparemment cela plait toujours donc je continue. Une fois de plus, les audiences télévisées sont bonnes, le téléspectateur semble toujours au rendez-vous malgré la concurrence des plateformes de streaming. Personnellement, c’était une demande de ma part à RTL que d’adapter mes formats. En décembre, nous avons proposé des épisodes de 40 minutes en acces prime-time, par exemple, nous sommes loin des 90 minutes où le public doit se taper le même clampin pendant un si long moment, on y est plus, les mœurs ont changé !

La société évolue et change c’est sûr. Que pensez-vous de l’évolution de l’humour ?

F.P. : « Les réseaux sociaux sont une véritable baie vitrée qui expose le talent de chacun. C'est désormais une composante définitive. Personnellement, je n’en pense que du bien, en tout cas sur le principe. En francophonie, on boudait les nouveaux talents, les directions télévisées n’avaient pas la curiosité d’aller les chercher. Dans mon cas, j’ai eu beaucoup de chance. J’étais standardiste-étudiant à RTL, au centre de production de Mons, et je faisais marrer un peu tout le monde. Etvisiblement aussi un des directeurs qui m’a ensuite demandé de faire des essais. C’était un vrai concours de circonstances, on n’est pas venu me chercher. Donc je dis bravo à tous ces nouveaux champs des possibles, car on a découvert beaucoup de talents grâce à cela. Je trouve cela extraordinaire ! Après, il y a la partie sombre où les gens donnent leur avis sur tout, sont vecteur de haine et de méchanceté et se sentent légitime pour ce genre d’agissement. Avec cela, par contre, j’ai du mal. »

Justement, vous trouvez que les gens sont devenus plus susceptibles qu’avant ?

F.P. : « Oui, aujourd’hui on n’ose plus faire le même humour qu’avant. Je n’oserais plus faire mes canulars téléphoniques par exemple, bien qu’une partie de mon public les réclame. Personnellement, j’ai gardé cette fraicheur et cette naïveté, mais les gens n’ont plus le recul sur eux même. Avec les réseaux sociaux, notre propre image peut-être vue sur un écran lumineux facilement, alors qu’avant ce n’était pas le cas. Du coup, j’ai l’impression que tout le monde se sent le droit de dire ce qu’il pense, et se sent investi d’une certaine importance et d'une certaine image. C’est une drôle d’époque finalement vis-à-vis de tout cela, mais c’est une nouvelle époque et il faut l’intégrer. »

Du coup, comment vous vous êtes adapté à ce nouvel air ?

F.P. : « Le rire comporte de toute façon sa part de malentendu. C’est le principe même de l’humour, même s’il existe un humour universel, c’est vrai, mais il faut un talent dingue pour le manipuler. Sinon, faire rire sans référence à la langue, à la culture, l’éducation, l’époque et la société, c’est compliqué. Personnellement, je ne suis pas capable de proposer un humour universel et pur. Il faut un talent énorme à la Jim Carrey pour cela, et je ne l’ai pas. Il y a toujours un risque de froisser les uns et les autres du coup. Mais le public qui vient me voir sait que je ne suis pas premier degré. Après, je vis avec mon temps et mon époque, mais je me sens encore largué parfois, c’est vrai.

Une partie du public qui me suivait avant trouve que j’ai changé et me scande qu’il ne viendra pas, alors qu’en réalité je n’ai pas du tout changé. Je suis le même avec mes valeurs, ma sensibilité et mes personnages. Ce sont les autres qui ont changé et plus largement, la société. J’en suis intimement convaincu ! J’espère effectivement avoir évolué en tant que professionnel, et que j’ai amélioré mon écriture, mais sinon, non je suis toujours le même depuis 40 ans de scène. »

Au niveau de la relève humoristique francophone, suivez-vous quelqu'un en particulier ?

F.P. : « Côté Belge, une personnalité que j’aimerai vraiment rencontrer tellement j’adore sa spontanéité et je le trouve très attachant, c’est le tiktokeur David Rodriguez. Il n’écrit pas, mais il a justement cet humour universel dont je parlais, je le trouve vraiment super ! Sinon en France, j’aime beaucoup Paul Mirabel. Ce que j’aime c’est qu’ils insufflent enfin quelque chose de nouveau ! Sinon, je suis très branché culture anglo-saxonne, même pour l’humour. »

Pour finir, pouvons-nous vous demander quels sont vos futurs projets ?

F.P. : « Je vais entrer en post-production de ce qui a été enregistré pour ‘Mad in Belgium’, qui sortira très bientôt sur RTL TVI. Puis je dois écrire, je n’ai personne pour le faire. Je suis toujours l’auteur de mes textes, et j’espère pouvoir avoir une inspiration d’une époque qui se renouvelle, loin des catastrophes, qui ne sont pas vraiment un terrain fertile pour l’émergence de gags. J’ai aussi pour projet de produire une deuxième série d’un format complètement à part appelé ‘Formidable’, où j’incarne des personnes de tous les jours, avec des gros moyens en termes de décor, prothèses, grimage, etc. Puis l’année prochaine, je passerai un gros cap, celui de mes 60 ans et donc de mes 40 ans de carrière, et j’aimerai fêter cela avec le public en remontant sur scène pour un nouveau spectacle ! »

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