De PES à l’eFootball : un aperçu de l’avenir de l’e-sport ?

De Proximus

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La nouvelle récente selon laquelle Konami entame une transition vers un modèle free-to-play de son jeu de football annuel payant, PES, qui s’appellera désormais eFootball, n’a pas du tout surpris. Le développeur japonais est le énième de la liste à capitaliser sur un modèle économique de plus en plus populaire. Mais quel est l’impact sur l’industrie du jeu ? Et cette évolution a-t-elle un impact sur l’e-sport ? Quelques questions auxquelles on va tenter de répondre ensemble.

La lente transformation de PES vers eFootball a été longue à venir. Pro Evolution Soccer était considéré comme le meilleur jeu de football il y a environ 10 ans, mais depuis le rattrapage d’EA avec FIFA, Konami est à la traîne. Le développeur japonais savait que quelque chose devait changer, et a donc pris la décision radicale d’arrêter les sorties annuelles. Le résultat est eFootball : un jeu gratuit, mis à jour en permanence et qui peut être joué à la fois sur consoles et sur smartphones.

Konami est loin d’être le premier développeur de jeux à tenter d’instaurer un nouveau modèle de revenus. Il est de plus en plus difficile de faire des bénéfices avec des jeux AAA. Les jeux vidéo sont de plus en plus avancés sur le plan technique et nécessitent plus d’heures de travail que jamais. Pourtant, le prix des jeux n’a pas augmenté, et le nombre de propriétaires de consoles stagne de plus en plus. L’ancien responsable de Playstation, Shawn Layden, déclarait dans une interview accordée à gamesindustry.biz que le nombre de propriétaires de consoles tournait autour de 250 millions depuis les années 1990. Microsoft, Nintendo et Sony sont incapables de trouver un nouveau public. Selon M. Layden, la sortie traditionnelle à 60 euros peut donc rapidement devenir une condamnation pour certains studios.

© Konami – La roadmap de eFootball pour 2021

L’industrie du jeu-vidéo expérimente donc beaucoup de modèles de revenus alternatifs. La plupart des entreprises s’inspirent des jeux mobiles. Ce secteur est d’ailleurs le meilleur élève de la classe d’un point de vue financier. Année après année, des bénéfices records sont réalisés et le public ne cesse de croître. En 2020, pas moins de 2,6 milliards de personnes ont joué à un jeu sur leur smartphone, et le chiffre d’affaires annuel du secteur a augmenté de 13,3 %. Les grands gagnants ? Pas les applications dont le prix est fixe et unique, mais les jeux gratuits avec microtransactions.

L’exemple de Nintendo

Nintendo a dû en faire l’expérience de première main. En 2016, le fabricant de consoles japonais a sorti son premier jeu pour smartphones : Super Mario Run. Le jeu a été développé par l’équipe à l’origine des jeux New Super Mario Bros., dirigée par le légendaire créateur de Mario, Shigeru Miyamoto. À ses débuts, Super Mario Run est sorti en tant que jeu payant : les quelques premiers niveaux étaient jouables, le reste du jeu était caché derrière un prix unique de 9,99 €. Malgré les énormes chiffres de téléchargement – plus de 200 millions de téléchargements en un an – les recettes ont été “inférieures aux attentes”, selon le président de Nintendo de l’époque, Tatsumi Kimishima.

La solution fut rapidement trouvée. Quelques mois après la sortie de Super Mario Run, Fire Emblem Heroes est apparu sur l’App Store. Fire Emblem est une franchise beaucoup moins connue que Mario, et cela s’est vu dans le nombre d’utilisateurs. Heroes n’a réalisé qu’un dixième des téléchargements de Super Mario Run, et pourtant le jeu a immédiatement fait mieux en termes de revenus, grâce à un système économique bien mieux pensé. En effet, Heroes est un jeu de gacha, basé sur les machines à capsules japonaises. Si ce type de jeux est généralement gratuit, ils sont spécialement conçus pour inciter les gens à dépenser le plus possible avec des achats disponibles directement dans le jeu. Le succès de Heroes a donc été le signal pour Nintendo de passer à des jeux entièrement gratuits, mais où les microtransactions faisaient la loi. Leurs sorties ultérieures, dont Animal Crossing : Pocket Camp, Mario Kart Tour et Dr. Mario World, ont toutes suivi la même philosophie, avec succès.

Les jeux sur console ont également suivi la tendance du passage en free-to-play. Fortnite, l’un des jeux les plus populaires de ce siècle, devait initialement être vendu à un prix fixe. Epic a décidé d’ajouter un mode Battle Royale à son jeu, disponible de manière gratuite, et cela s’est avéré être un coup en or. En effet, Fortnite a gagné des milliards d’euros ces dernières années rien qu’avec la vente de battle pass et de skins, dépassant largement les potentiels gains qu’ils auraient engrangé avec la vente d’un jeu. Cela a piqué l’intérêt des développeurs de jeux compétitifs : Fortnite était la preuve que les jeux gratuits peuvent être extrêmement rentables sans que les joueurs paient pour obtenir un avantage dans le jeu.

Mais l’énorme succès de Fortnite n’est pas seulement dû à l’absence de prix. Le support cross-play est également un élément essentiel du succès d’Epic. Leur Battle Royale reste disponible sur pratiquement toutes les consoles, PC et smartphones. La seule frontière qui peut séparer les joueurs, c’est les capacités de leur plateforme. Autre avantage à prendre en compte: la sauvegarde de toutes ces progressions sur le cloud. Si l’on compare cette situation à celle de FIFA, une sortie annuelle à 60 € où chaque plate-forme est isolée, le choix de Konami ne peut être qualifié que de logique.

© Epic Games – Le crossplay est resté l’un des gros avantages de Fortnite

Et Konami est loin d’être le seul grand développeur à avoir changé de cap ces dernières années. En 2020, Activision surprenait le secteur du jeu-vidéo avec la sortie de Warzone, un battle royale gratuit qui évolue en même temps que les sorties annuelles de Call of Duty. Dans le même ton, Blizzard ne sortira pas le successeur d’Overwatch comme un nouveau produit, mais plutôt comme une mise à jour (payante ou non) du jeu original. Rocket League, racheté par Epic, est depuis passé dans un modèle entièrement free-to-play et a dans le même temps reçu un nouveau coup de hype. Même Valve, avec CS:GO et Dota 2, a résolument opté pour le free-to-play et le modèle des jeux en tant que service.

Un avenir incertain

Mais quel impact cette évolution aura-t-elle sur la pratique de l’e-sport ? Tout d’abord, cela réduit considérablement le possible frein que les joueurs connaissent quand ils veulent se lancer sur un jeu. En publiant le jeu gratuitement, et qui plus est sur les smartphones, le développeur s’adresse à un tout nouveau public. L’Asie, en particulier, où le football est extrêmement populaire et presque exclusivement joué sur des appareils mobiles, pourrait devenir une mine d’or à long terme. La partie compétitive de PES/eFootball pourrait ainsi recevoir un afflux de nouveaux talents. Un plus grand nombre de joueurs signifie aussi plus de tournois, des cagnottes plus élevées et plus d’intérêt de la part des annonceurs potentiels.

L’inconvénient potentiel est que les développeurs prendront moins de risques pour créer des jeux à l’avenir. Les bénéfices réalisés par les jeux gratuits pourraient entraîner l’abandon progressif des jeux traditionnels. Un comportement qui pourrait causer des problèmes à l’avenir. Si un développeur considère qu’un jeu n’a pas assez de succès, il arrive parfois que le projet soit abandonné. Dans le passé, ce n’était pas un problème, car les gens continuaient de profiter du jeu. Mais les jeux modernes nécessitent souvent une connexion Internet pour fonctionner, ce qui veut dire que si les serveurs sont fermés, le jeu devient injouable. Dans ce cas, les joueurs perdent tout le temps et l’argent qu’ils ont investi dans le jeu. Pour les athlètes de sports électroniques, le problème est encore plus grave : ils perdent aussi leur gagne-pain. Et passer d’un jeu à un autre n’est pas toujours facile.

La popularité croissante des jeux gratuits soulève la question de savoir si les développeurs qui s’en tiennent aux versions traditionnelles risquent de perdre leur position sur le marché. Le volte-face de Konami risque sans doute de faire réfléchir EA. Si un jeu coûte 60 euros et que l’autre peut être téléchargé gratuitement, beaucoup de gens prendront rapidement leur décision. Mais la question reste de savoir si une telle transition sera bénéfique au secteur du gaming, et par extension à l’e-sport.

Copyright visuel: Konami

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