Matthieu Péché : “En me recrutant il y a 1 an et demi, Vitality avait vraiment cette envie de lier sport et e-sport .”

De Proximus

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La relation entre sport et e-sport a souvent été, soit peu remarquée soit peu mise en avant. Pourtant, de plus en plus, les consciences s’éveillent sur l’importance de lier les deux pour que les athlètes e-sportifs performent au plus haut de leurs capacités. Comment l’e-sport se perfectionne-t-il, grâce à des concepts et des techniques utilisées depuis longtemps dans le milieu sportif ? On se penche un peu plus sur la relation entre ces deux domaines, décidément pas si différents que ça.

Pendant longtemps, l’e-sport a été vu comme un loisir, une pâle copie du sport traditionnel avec quelques valeurs communes telles que l’esprit d’équipe et de compétition, le respect ou encore l’idée de dépassement de soi. Malgré ces valeurs communes, pour une grosse partie de l’opinion publique, ces joueurs restent des jeunes qui passent leur temps devant l’ordinateur, avec tous les préjugés que ça amène. Cependant, il est difficile de fermer les yeux sur la professionnalisation qui envahit le secteur depuis quelques années.
Les joueurs passent sous contrat, et se doivent donc de performer au plus haut de leur niveau. Mais comment peut-on espérer atteindre l’excellence pour un joueur et pour une équipe entière?

Mia Stellberg, psychologue sportive maintenant spécialisée dans l’Esport, nous apportait déjà quelques éléments de réponses il y a quelques mois. Ayant travaillé avec plusieurs des meilleures équipes du monde comme Astralis ou encore OG Esport, Mia a su construire les individualités et le collectif de ces équipes pour qu’elles atteignent le plus haut niveau. “Les joueurs ont besoin d’avoir un hygiène de vie irréprochable pour pouvoir performer à leur meilleur niveau.”. De manière générale, la réponse pourrait donc facilement être résumée en une simple phrase : un esprit sain dans un corps sain. Cela inclut bien évidemment des repas équilibrés, un planning bien travaillé et même du sport plusieurs fois par semaine. Si ce rythme de vie soigné est devenu une norme pour tout le monde dans le milieu du sport, qu’en est-il de l’e-sport ? Nous nous sommes entretenus avec Matthieu Péché, ex-médaillé olympique et multiple champion du monde de Kayak deux places. Il est désormais manager de l’équipe CS:GO Vitality, récemment championne de l’IEM Beijing.

© Vitality

La première question qu’on se pose en voyant Matthieu et sa carrure imposante, c’est bel et bien pourquoi un sportif de haut niveau se lancerait dans l’e-sport ? “Je m’y intéressais déjà depuis la finale des Worlds d’il y a 2 ans. Ça m’attirait à l’époque, un peu comme quelqu’un regarderait le football à la télévision”.
Bon, jusque là, rien de difficile à comprendre. Qui ne s’est jamais intéressé à un sport ou une activité qu’il ne pratique pas. Mais de là à devenir manager pour l’équipe CS:GO de Vitality, l’une des structures e-sportives mondialement reconnues, il y a un cap à franchir. “J’ai voulu m’y intéresser de plus près et c’est là que j’ai remarqué qu’il y avait beaucoup de passerelles entre le sport traditionnel et e-sport. En terme de performances surtout, c’est un mot qui revient souvent dans ces deux mondes et c’est la base du sport”. Si l’e-sport et le sport ont donc en commun des valeurs mais aussi la notion de performance, on constate de plus en plus de transferts entre les deux milieus. En France, il ne sont pour l’instant que deux ex-athlètes traditionnels à avoir franchi le pas. Et à l’international ? “À l’international il y a aussi l’exemple de Kasper Hvidt, ancien gardien de handball danois (Meilleur gardien du monde en 2009 et champion du monde) et maintenant directeur sportif pour Astralis.”

En discutant avec le médaillé olympique, on essaye de comprendre les raisons qui rendent encore cette frontière très perméable aux yeux des athlètes classiques. “En général les athlètes et professionnels du sport traditionnel s’intéressent du coin de l’oeil à l’e-sport mais ils ont encore beaucoup de préjugés, voir même des jugements péjoratifs sur ce milieu. Je leur dis toujours “Venez voir et jugez par vous même”.

© Carl DE SOUZA / AFP

Mais une fois cette frontière franchie, les apports peuvent être nombreux. Pour Matthieu, l’un des principaux atouts d’un sportif accompli, c’est avant tout son expérience de vie dans un milieu compétitif. Et après un an et demi passé au sein de La Ruche, les joueurs ont eu le temps d’apprendre des expériences de Matthieu Péché. La durée de la collaboration entre le sportif et la structure parle d’elle-même. Un an et demi dans une même organisation, c’est beaucoup. “Ça fait 1 an et demi que j’y suis et il y eu déjà beaucoup d’étapes de franchies. Pendant ce temps, chaque joueur a eu l’occasion de développer un cadre de vie sain et plus ou moins personnalisé.”

Selon Matthieu, le plus important se situe au-delà des concepts qu’un ex-sportif peut intégrer au milieu e-sportif. Avant tout, les joueurs doivent comprendre à quoi vont leur servir ces nouveaux outils mis à la disposition de leur esprit et de leur corps. Et c’est là l’un des points clés du développement d’un athlète de haut niveau. L’adage “Donne un poisson à un homme, il mangera un jour. Apprends-lui à pêcher, il mangera toute sa vie.” s’applique donc ici à merveille. Si les joueurs peuvent avoir du mal à adhérer à de nouvelles routines sportives ou d’hygiène de vie dans un premier temps, l’explication des bienfaits de cette routine sur ses performances le pousser souvent à s’y tenir et à développer plus efficacement ce genre de processus.

Un problème reste tout de même, tout le monde n’aime pas faire du sport. Et même si les bienfaits leur sont expliqués, il arrive parfois que certains joueurs ne saisissent pas l’importance de ces routines. Dès lors, comment faire en sorte que ces joueurs se complaisent dans une hygiène de vie qui n’est pas dans leurs habitudes ?

Par chance pour le manager, ses joueurs n’étaient pas étrangers aux concepts de conditionnement et d’échauffement. Ils ne mettaient pas les mots juste dessus, c’est tout. “À vrai dire, les joueurs faisaient déjà tous des échauffements mais ils ne s’en rendaient pas compte. Bien sûr il n’y avait pas encore de sport et d’exercices physiques, mais c’est un bon début. Ensuite il fallut mettre des mots sur ce que les joueurs faisaient. Ensuite, ce n’est que de l’automatisation.” Ces automatismes, aussi compliqués soient-ils à intégrer pour les joueurs, constituent cependant un devoir aux yeux du manager, comme un joueur de football s’échauffant et s’étirant avant et après l’effort pour ménager son corps et être le plus performant possible au moment de la rencontre.

Le conditionnement en détail


Le conditionnement. Un terme qu’on aurait pas pensé entendre dans le milieu e-sportif tant il est lié au milieu sportif de haut niveau. C’est pourtant un rituel partagé par beaucoup de joueurs e-sportifs : le conditionnement avant un match, c’est devenu indispensable pour certains. Il réprésente avant tout un outil de concentration mentale et pas seulement d’échauffement. Comme le disait Dupreeh, joueur pro CS:GO pour Astralis, dans une interview donnée à HLTV : “Le but de tout ces exercices est de maximiser nos chances de réussite, de gratter des pourcentages d’efficacité, c’est ça un athlète de haut niveau”

Pour Vitality, le but est le même. Développer les joueurs pour faire en sorte qu’ils se sentent au mieux et grattent ces fameux pourcentages. Si vous avez match à 16h30, vous devez être bon à 16h30. Il faut qu’à cette heure-ci, vous arriviez à mettre des têtes, pas une map après.”

Ce programme de conditionnement et d’entrainement, même s’il part d’une base collective est adapté à chaque joueur, en fonction de ses capacités et de son assimilation. “On a pris chaque joueur à part et on a essayé d’identifier ce qui serait le plus approprié pour chaque joueur. Une sorte de programme personnalisé. Bien entendu, ça ne se fait pas du jour au lendemain et plusieurs ajustements sont souvent nécessaires. Comme je leur dis souvent : à ce niveau de compétition c’est la ténacité qui fait la différence et la performance.”

Un conditionnement qui peut donc passer par différents moyens : certains joueurs vont entrainer leur aim (Capacité d’un joueur à viser au bon endroit rapidement; ndlr) sur des programmes spéciaux, d’autres en deathmatch, tandis que certains auront juste besoin de crier un bon coup ou de prendre un bol d’air frais. Car au-delà de la performance qui doit être au plus haut niveau, et dès le début du match, un des objectifs majeurs de ce conditionnement est de modeler et transformer le stress du joueur en stress positif. “C’est comme un échauffement avant un évènement sportif. 1h30 avant mes descentes en kayak, que ce soit un évènement national, régional, international ou les JO, c’était le même. Parce que c’était ma routine et que je me retrouvais dedans.

© AFP

Mais attention, si Matthieu se conditionnait toujours de la même manière, la technique peut évoluer en cours de route. Cette évolution se fait bien entendu en fonction du joueur, de son état, mais aussi de l’évènement auquel le joueur se prépare. Des moyens complémentaires sont aussi mis en place comme les bootcamps (ou camp d’entrainement) , et encore une fois, le principe d’entrainement intensif en équipe nous vient tout droit… du sport !

Des bootcamps pas de tout repos 

 

Pendant un bootcamp, les joueurs s’entraînent et vivent ensemble pendant un certain temps. Ce genre de processus est souvent mis en place avant un évènement de grande importance ou durant une période de pause pendant le circuit compétitif. L’objectif principal des bootcamps est de mettre le joueur dans un esprit de compétition, de stimulation permanente et le plus important : dans une atmosphère professionnelle.

Le premier rendez-vous de la journée a lieu à 10h avec le coach XTQZZZ. La première partie de la journée est alors consacrée à la théorie. Les joueurs revoient alors leur stratégie, étudient les maps ou encore les différentes poses de bombes possibles en fonction d’un certain scénario. “On analyse aussi les entrainements de la veille avec les joueurs afin de trouver des potentielles failles ou des points à améliorer.” Les joueurs prennent ensuite une pause déjeuner, de midi à 13 heures, juste le temps de recharger les batteries pour l’après-midi. La reprise a lieu à 13h. Pendant deux heures, les joueurs s’entrainent, dans ce qu’on appelle des praccs ou des scrims. Ceux-ci sont en fait des matchs professionnels, joués en condition, mais sans enjeu. Ces derniers permettent, comme le permettrait un match amical à une équipe de football, de tenter des stratégies, de mettre au test certains déplacements, et de manière générale, améliorer le collectif.

Ensuite, les joueurs ont une pause d’une heure. Deux fois par semaine, l’équipe profite de cette heure de libre pour faire du sport. “Les autres jours le sport reste individualisé, quand la journée commence plus tard (11h par moments) certains préfèrent aller courir le matin ou aller à la salle de sport.” Après cette pause les joueurs enchaînent de 16h à 18h pour deux nouvelles heures de pracc. “La soirée reste assez libre mais on espère des joueurs qu’ils se couchent maximum à 23h.” nous confie Matthieu.

Mais attention, ce genre de programme est, encore une fois, sujet à adaptation. Si le sport jouit d’horaires conventionnels, malgré la tendance de plus en plus présente à programmer des matchs pendant la soirée, l’e-sport quant à lui, peut parfois être en léger décalage avec le mode de vie des joueurs. Et pour les phases finales des compétitions, les joueurs jouent souvent tout le week-end, parfois plusieurs matchs par jour.

Pour la finale Dreamhack Open Fall, que Vitality disputait face à Heroic, le planning a alors fait l’objet d’adaptations afin de couvrir au maximum les besoins de l’équipe. “On savait depuis le vendredi qu’on était qualifié pour la finale. Celle-ci se jouait le dimanche à 18 heures, et en BO5 ! J’ai planfié toute la journée du samedi: il ne faut pas que les gars soient comme des zombies devant leur ordinateur. On a donc été faire un petit foot ensemble le samedi matin. Etant donné que le Stade de France nous a laissé prendre nos quartiers dans son enceinte, on a passé la journée à se balader. Autant en profiter.” Le rôle du manager est alors placer ses joueurs dans l’horaire le plus propice à la compétition, en retardant tout l’horaire de la journée par exemple. Les B05, formats utilisés régulièrement pour les finales, sont en effet des formats assez épuisants pour les joueurs, forcés de jouer parfois jusqu’à 4 heures d’affilée.

© Riot Games & Stade de France – Comparaison entre le Stade de France et une compétition esportive.

Quand on voit le détail d’une journée d’un joueur CS:GO chez Vitality, on se dit qu’il y a peu de place pour la disette. Mais n’est pas Vitality qui veut, l’e-sport ne se résume pas qu’à une seule équipe, qui plus est, l’une des plus aisées. Dans le domaine, il existe beaucoup de structures françaises dont une qui a su se faire un nom en se servant de cette relation entre sport et e-sport. Cette équipe, c’est MCES.

MCES, l'exemple français par excellence


© MCES

Depuis plusieurs années, MCES a su se faire un nom en tant que structure e-sport. Et comme on le disait, ce qui a aidé MCES a forgé sa réputation, c’est en partie dans la manière dont elle considère ses joueurs. Ici, les joueurs sont des athlètes. Point.
Toute réussite passe donc par de l’entraînement sportif. Dans la pratique, cette structure marseillaise pourrait se résumer à un club de quartier où des jeunes viennent faire tant pour faire un football entre amis que pour s’entrainer au TOP 1 sur Fortnite. Les deux pratiques se croisent et s’entremêlent dans les locaux de l’équipe phocéenne.

Au delà de la rencontre des deux pratiques, les joueurs disposent aussi de l’expertise de plusieurs anciens athlètes reconnus tels que Yannick Agnel, champion olympique de natation, ou encore le footballeur international Guy Demel. Mais le physique, bien entendu, n’est pas le seul objectif à poursuivre pour les joueurs. Bien manger, bien dormir et respecter un planning à la minute fait partie de l’encadrement que MCES offre à ses joueurs, pour leur bien comme pour les performances de la structure.

Aussi partenaires de ESP Consulting, la structure permet aux joueurs de se tester sur des aspects physiques, physiologiques et mentaux. Les joueurs peuvent par exemple se tester sur les réflexes, la précision, la rapidité d’éxécution. Tant d’apsects indispensables pour tout joueur professionnel qui se respecte. Le tout pour récolter des données primordiales au bon développement des équipes. ” Les matchs en Bo5 nous font encore défaut, les joueurs se fatiguent et les fins de matchs sont compliquées. Une journée classique c’est réveil à 10h, et bien là on retarde toute la journée pour ne pas que les joueurs soient activés trop tôt, se lassent trop tôt et soient fatigués trop tôt.

© Vitality

Des équipes qui s’agrandissent

 

Et si les matchs en BO5 peuvent être épuisants, comme nous l’expliquait Matthieu, peut-être que Vitality a trouvé la solution. En effet, une autre nouvelle a frappé la scène francophone il y peu. La structure française a annoncé fin octobre recruter Nabil “Nivera” Benrlitom en tant que sixième homme. Si beaucoup ont vu là un changement dans la line-up, penchons nous plutôt sur le côté pratique de la chose.

Le fait qu’un 6ème joueur rentre dans le roster actif d’une équipe est une grande première sur CS:GO, malgré les premiers pas faits dans ce sens par Astralis. Ici, les remplaçants de Vitality sont autorisés à changer entre les cartes en fonction des affinités de chacun. Comme au foot ou dans d’autres sports traditionnels d’équipe, vous verrez maintenant des changements d’effectif en cours de match ! De quoi tenir avec les joueurs sur la longueur et leur permettre de garder un peu de force pour des matchs qui peuvent parfois durer jusqu’à 5 manches.“Astralis y a pensé en premier mais pas de la même manière. Chez nous, les changements se font par map. Eux, c’était par évènement. On a voulu tester cette manière de faire car les organisateurs de tournoi ont ouvert cette possibilité.”

© HLTV

Vous l’aurez sûrement remarqué dans ce papier, mais les axes d’amélioration sont légions dans l’e-sport. Et leur nombre augmente au fur et à mesure que d’autres secteurs comme celui du sport de haut niveau se mêlent à la danse. Chaque circuit compétitif possède ses spécificités, on le sait. Mais si le sport était la clé de voûte permettant de rassembler les différentes scènes.

Alors que les circuits compétitifs se professionnalisent et que l’e-sport se dessine comme un sport à part entière, les joueurs professionnels eux se voient consacrer du nom d’athlète avec une charge physique et mentale grandissante. De quoi soutenir dans le bon sens l’évolution toujours plus rapide de ce secteur décidément bien surprenant. A condition que ce dernier bénéficie des guidances et soit lancé dans la bonne direction. “Il manque plein de choses dans l’e-sport mais c’est ça qui est excitant. On est que aux débuts mais ce secteur évolue vite. En 1 an et demi de présence, voir tout ce qui a changé c’est impressionnant. Et qui sait comment le secteur aura changé dans 1 an et demi, ce qui aura été mis en place. J’ai déjà mes petites idées dessus mais on les garde pour nous …

Crédits Image : Vitality & Stade de France

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