La French touch dans l’électro

Musique | Alex Gopher, Étienne de Crécy, Cassius et Laurent Garnier ont réussi ce que seuls Louis XIV et Napoléon ont réussi avant eux, sans toutefois faire preuve de la même férocité que leurs prédécesseurs. En mélangeant la house et la techno avec un soupçon de disco, ils ont fait de Paris la capitale du monde. French House, flair français, French touch.

De MF

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Disco

Mais c’est quoi la French touch au juste ? On doit ce concept au photographe parisien Jean-Claude Lagrèze qui, à la fin des années 1980, introduit la house et la techno en France au cours de ses soirées branchées. Il y invite notamment David Guetta et Laurent Garnier derrière les platines, qui sont parvenus à franciser la house et la techno américaines en y ajoutant un soupçon de disco. Les soirées de Lagrèze n'ont pas fait long feu mais le mouvement French touch, dont les figures clés sont redevables au disco, a perduré.
Laurent Garnier a d’ailleurs qualifié I Feel Love de Donna Summer « de disque qui a changé ma vie ». Son collègue Alex Gopher (1999, Out Soon) ajoute : « L’influence du disco est indiscutable. Patrick Hernandez, Plastic Bertrand... Ces gars-là étaient populaires quand nous avions 12 ou 13 ans. Eh bien, la musique que vous entendez à cet âge-là, c’est elle qui vous forge. En plus, les producteurs des Village People étaient français aussi. »
Étienne de Crécy, l’homme derrière le très populaire Super Discount (1997, Out Soon) confirme : « Les Français vouent un culte au disco et je pense que cette musique est restée ancrée dans le subconscient des jeunes artistes français. Le plus fou, c’est que lorsque le disco était à son apogée, il a aussi suscité des campagnes anti-disco virulentes. On a fait la part belle à la new wave, le disco était tabou. Mais, secrètement, nous l’adorions. »

Studio 54

Le disco est devenu la star du New York des années 1970, et se déplacera donc à Paris vingt ans plus tard. Mais tout comme à New York (il suffit de penser aux soirées décadentes du club Studio 54), l’ambiance est vite retombée à Paris. Alex Gopher (2002, Out Soon) : « Les producteurs se multipliaient. Au moins un tiers de ma collection de disques est d'origine française. En même temps, je dois avouer que je n’entends rien qui sorte du lot. Ils sont rares ceux qui produisent un son un tant soit peu original. Comment ça se fait ? Lorsqu’on écoute Stardust ou Modjo, on se dit qu’on peut le faire aussi. Pourtant, ces chansons sont composées de manière bien plus intelligente qu’on ne le pense, mais de nombreux producteurs sont aveuglés par l’argent. »
Un peu désabusé, il se montrait beaucoup plus positif trois ans plus tôt. « Nous sommes une famille où il règne une grande solidarité. Chaque famille connaît des tensions et des conflits, mais les liens ne se brisent jamais. L'amitié l'emporte toujours sur l’esprit de compétition. »


La piste de danse comme refuge

Le disco nous aura tout de même laissé un tas de beaux disques d'artistes souvent liés d'amitié tels que Gopher, Super Discount, Bob Sinclar, Dimitri From Paris, sans oublier Cassius, tous au sommet de leur gloire en 1999, bien que Philippe Zdar et Boombass fassent partie des anciens de la scène dance française. Zdar (décédé d'une chute accidentelle en juin 2019), avec Étienne de Crécy, a fait danser les discothèques européennes sur l’irrésistible Motorbass. Boombass, Hubert de son vrai nom, était l'homme derrière La Funk Mob. Le duo (Boombass-Zdar) a réalisé plusieurs EP s’inscrivant dans la mouvance du trip-hop et produits par le label Mo'Wax de James Lavelle.
Ils se sont rencontrés lorsque le rappeur MC Solaar leur a demandé de prêter main-forte à la réalisation de son deuxième album. Tous les deux séduits par la même chanson, Paid in Full des légendes du hip-hop Eric B et Rakim, les assistants de studio vivent un coup de foudre amical. Étienne de Crécy : « Le hip-hop nous a conduits à la house et la techno, en faisant un petit détour par le funk. Nous avons découvert la culture rave, la piste de danse comme refuge. D’où viennent les éléments disco ? Le disco est ancré dans notre ADN. »
Faisant ses débuts en 2007 avec l'album controversé Cross et salué par Anthony Kiedis, le leader des Red Hot Chili Peppers, c’est Justice qui a été le dernier succès du mouvement French touch.

9-9-9-9-99

Impossible de penser à la dance music et à Paris sans évoquer Daft Punk. Les tout jeunes Parisiens Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo forment le chaînon manquant entre techno, disco et funk au début des années 1990. Le single qui les a révélés, Da funk, était pratiquement une interprétation moderne de Le Freak de Chic. Présents dans les clubs underground et les hit-parades, les Daft Punk ont été autant décriés qu’adulés.
Bangalter (2001, Out Soon) : « En 1995 et 1996, lors de notre premier album, la musique électronique n'était ni comprise ni acceptée, elle était marginale. Nous nous sommes battus pour faire accepter notre musique qu’on a cataloguée à l’époque de vacarme ! Nous voulons continuer à repousser les limites et à enfreindre les règles, en mixant les différents styles. » On peut dire que ça a plutôt bien fonctionné.
Apparaissant toujours en public dans une combinaison de robot avec un casque, ils ont conservé un certain anonymat malgré leur succès retentissant. Ils ont revêtu leur identité de robot le 9 septembre 1999, à 9 h 09 du matin, 9-9-9-9-99. Une forme précoce du bug de l’an 2000 a fait exploser leur équipement électronique et a mis le feu à leur studio parisien. Thomas et Guy-Manuel, mutilés dans l'incendie, ont fait appel à des chirurgiens plasticiens, qui les ont « transformés ». Une belle légende, n’est-ce pas ?
Daft Punk n'a jamais vraiment appartenu au mouvement French touch, contrairement au projet parallèle de Bangalter, Stardust. Music Sounds Better With You de Stardust est considérée comme la plus belle symbiose entre house et disco jamais réalisée.

14 heures derrière les platines

Laurent Garnier, en quelque sorte l'ambassadeur de la house et de la techno françaises, rencontrait déjà un succès international à l’époque où on ne parlait pas encore de French touch. À l'âge de dix ans, Garnier savait qu'il voulait devenir DJ et à vingt ans, il était DJ résident au légendaire club Haçienda à Manchester, berceau de The Stone Roses et terrain de jeux des Chemical Brothers dans leur jeunesse.
Il s'est créé une marque de fabrique, le marathon DJ. Garnier (1997, Out Soon) : « J'aime la house, la deep house, la techno et la drum 'n' bass. Comment rassembler tous ces styles en un set cohérent en moins de 3 heures ?! Impossible. Mon record est de 9 heures de mixage sans interruption. À Paris, je suis une fois resté derrière les platines pendant 14 heures, mais avec une demi-heure de pause. J’ai commencé à 17 h dans l’après-midi jusqu’à 7 h le lendemain matin. Un plaisir à l’état pur ! »

Faire la vaisselle sur de la house

Figure de proue française de l'électro, David Guetta encaisse jusqu'à 50 000 euros de l'heure pour ses prestations de DJ. Le Parisien a appris les ficelles du métier en tant qu’organisateur de soirées (y compris au Pacha à Ibiza), a vendu plus de 9 millions d’albums et 30 millions de singles, mais n’a fait fortune qu’en devenant DJ.
Il n’a pas pu échapper aux critiques selon lesquelles la French touch est devenue un peu trop lisse avec le temps et a eu un peu trop de succès, mais il s’est défendu. « Les notions d’underground et de commercial ne veulent rien dire. Au départ, les Daft Punk étaient considérés comme très underground, puis le groupe a connu le succès et a soudainement été catalogué de commercial. Pourtant, ce sont toujours les mêmes personnes qui font la même musique. Vous ne pouvez pas interdire aux femmes au foyer d'écouter votre musique pendant qu'elles font la vaisselle. » (2002, Nieuwsblad)

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