Les figures de proue belges du monde électro

Musique | Petit pays par sa taille, mais grand pour sa musique : la conquête mondiale de la house, de la techno et de l'EDM a en partie commencé en… Belgique. Nous sommes peut-être trop modestes pour réclamer cet honneur, mais on ne peut nier la vérité. Découvrez une histoire merveilleuse alliant accidents au dénouement heureux et outsiders aventureux.

De MF

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La naissance de la New Beat

House, techno, EDM : à quoi devons-nous cette richesse ? Au premier synthétiseur, le Telharmonium, qui date de 1901. Toutefois, il faudra encore plusieurs années avant que de grands noms comme Kraftwerk, Giorgio Moroder et Carl Craig s’y intéressent.
Presque aussi importants que ces pionniers légendaires, des héros belges invisibles tels que Peter Decuypere, Jo Bogaert, Maurice Engelen et Jo Casters n'ont certes pas inventé la musique électro, mais lui ont donné toute sa grandeur. Un peu à leur insu. Jo Casters a écrit un pan de l'histoire de la musique en tant que membre du trio de producteurs Morton, Sherman & Bellucci. Le trio s’est formé lorsque DJ Marc Grouls a joué accidentellement la chanson Flesh du groupe belge A Split Second à 33 ? tours au lieu de 45 tours au Boccaccio. Cet « accident » a donné naissance à la New Beat. Sous le nom d’Erotic Dissidents, Casters et compagnie ont remporté un succès monstre avec Move Your Ass And Feel The Beat, propulsée par un rythme lent et suggestif. La New Beat a fait fureur dans la discothèque Boccaccio puis est rapidement tombée aux oubliettes. Toutefois, elle est aujourd’hui reconnue comme l'une des plus belles prouesses de l'histoire de la musique belge.


Un Belge à New York

Peter Decuypere a ouvert le Fuse en 1994, la discothèque qui est devenue l'un des principaux clubs techno au monde. Mais tout n’a pas marché comme sur des roulettes… Decuypere : « J’ai vécu quelques mois de galère après l’ouverture. J'avais réservé The Black Dog, Mark Broom et Kirk DeGiorgio, et 200 personnes sont venues. La semaine suivante, c’était au tour de Juan Atkins, Sun Electric et Thomas Fehlmann pour 250 personnes. Laurent Garnier a renversé la tendance en attirant 400 personnes intéressées qui revenaient chaque semaine. Mais il faut savoir que, trois mois après l’ouverture, nous avions décidé de fermer le club. Curieusement, le jour où nous voulions déposer le bilan, le nombre de visiteurs a grimpé en flèche. » (RifRaf, 1995)
Les yeux ébahis, le monde entier a observé le succès fulgurant de clubs tels que le Fuse, La Rocca et le Café d'Anvers. Les DJ belges ont pu faire preuve de leurs talents dans les plus grands clubs des États-Unis et d'Asie, alors que c'était encore un rêve lointain pour les DJ. Ce fut d’ailleurs le cas de Marko, le DJ résident de La Rocca, qui a été invité en 2001 pour animer la fête nationale belge derrière les platines sur un bateau à New York. Un événement inoubliable pour une année tout aussi inoubliable. En effet, Marko s’est tenu sur le toit du World Trade Center le 22 juillet, moins de deux mois avant que les tours jumelles et le monde ne s’écroulent.


Dans la peau

Jo Bogaert, un nom passe-partout, a conquis le monde avec Technotronic. Pump Up The Jam était l'un des plus gros succès belges dans les classements américains, uniquement surpassé par Dominique de Sœur Sourire. L'année dernière, le San Francisco Weekly a écrit un article à l'occasion du 30e anniversaire de Pump Up The Jam : « Toute personne assez âgée se souvient exactement de la première fois où elle a entendu cette chanson. » Maurice Engelen, que nous connaissons mieux sous son nom de scène Praga Khan, jouit d'une renommée éternelle aux États-Unis en tant que chanteur de Lords Of Acid. Engelen : « Il y a pas mal d’excentriques parmi nos fans, comme un gars qui s’est fait tatouer la photo de couverture d'un de nos disques. Quand nous l'avons rencontré, il nous a demandé un autographe, également sur son corps. On l’a revu deux semaines plus tard et il s’était aussi fait tatouer ces signatures. » (2000, Out Soon)


Source d'inspiration des célébrités

Pas d’electronic dance music sans electronic body music. Dans un monde juste, les pionniers du numérique de Front 242 seraient des légendes. Leurs rythmes de synthés martiaux ont généré plus de puissance et d'énergie que n'importe quel groupe à guitares au milieu des années 1980. Cependant, ils étaient si progressistes et si têtus qu’ils n’ont pas fait une percée spectaculaire.
Patrick Codenys : « En vue d'une percée internationale majeure, la maison de disques attendait de nous que nous rendions nos chansons un peu plus accessibles. Nous n'avions pas envie de ça, nous sommes toujours partis du principe que nous déterminions nos propres règles. Nous avons quand même fait certaines concessions, ce qui a entraîné des frictions dans le groupe. » (1996, RifRaf) Front 242 a survécu en tant que source d'inspiration pour de grands noms tels que The Prodigy, Underworld et Chemical Brothers. Autres pionniers belges de l’electronic body music, The Neon Judgment ont acquis une renommée éternelle avec TV Treated sortie en 1982. La chanson a figuré sur d'innombrables compilations de musique électronique, souvent parmi des morceaux beaucoup plus jeunes. Loin d’être effrayé par la polémique, le duo de Louvain a annoncé sa tournée de retrouvailles au début du siècle avec le message « Live, The Neon Judgement will continue to give art terrorism a good name » (Live, The Neon Judgment continuera à donner une bonne réputation au terrorisme artistique). En 2015, TB Frank et Dirk Da Davo ont définitivement dit au revoir à leur public. Tout aussi unique, le trio Marc Moulin - Dan Lacksman - Michel Moers, alias Telex, a sorti de la house avant l’heure à la fin des années 1970 avec des titres tels que Moskow Diskow et I Don't Like Music.


Briser les frontières

Qu'est-ce qui rend la Belgique si spéciale en tant que berceau de la musique électro ? Sa position d’outsider en tant que petit pays dans un vaste monde. Cette soif d’aventure et l’envie de briser les frontières. Toutes les deux se traduisent par une musique électronique qui s’éparpille dans toutes les directions. Sous le nom de 2 Many DJs, David et Stephen Dewaele, le pilier du groupe de rock Soulwax, se sont spécialisés dans des mash-ups musicaux, ingénieusement entrelacés de chansons aux genres les plus divers. Leur As Heard on Radio Soulwax Pt.2, élu meilleur album de l'année par le New York Times en 2002, a propulsé la carrière de DJ internationaux des frères gantois. À l'autre extrémité du spectre électro se trouve le maître du lounge anversois Sven Van Hees : « Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de personnes qui me disent qu'elles ont vécu un bon moment de sexe avec ma musique en fond sonore. » Wow OK.


À l’international

Aujourd'hui, l'honneur belge est défendu par des artistes masculins comme Lost Frequencies et Netsky et par des artistes féminins comme Amelie Lens et Charlotte de Witte. Cette dernière a débuté sa carrière de DJ à l'âge de 17 ans, avec une mixtape qu'elle avait compilée à l'aide du logiciel Ableton. Elle s'est cachée derrière le nom de scène Raving George pour ne pas dévoiler qu'elle était une fille. En 2015, elle a acquis suffisamment de renommée et de confiance pour continuer sous son propre nom.
Curieusement, c’est un accident de scooter qui a été un tournant dans sa carrière. Elle a reçu une indemnité d'assurance colossale, qu'elle a utilisée pour acheter du matériel professionnel. « J'ai acheté deux lecteurs CD Pioneer, une table de mixage Pioneer, un MacBook Pro et un iPhone. » De Witte a non seulement animé une émission hebdomadaire sur Studio Brussels, mais a aussi décroché une résidence prestigieuse sur la BBC Radio 1. Et puis, il y a bien sûr Dimitri Vegas & Like Mike, de loin les DJ belges les plus titrés. Les deux frères font le tour du monde plusieurs fois par an et empochent des dizaines de millions. Au classement des meilleurs DJ du monde, ils sont… numéro 1.


Chanson sensuelle sur fond d’ambiance latine

Et si on concluait sur une anecdote ? Pas de house sans disco. Pas de disco sans Jungle Fever des Chakachas, un orchestre de bal bruxellois des années 1960 au riche répertoire de jazz. Inspiré par Je T'aime, Moi Non Plus de Serge Gainsbourg et Jane Birkin, l'orchestre a décidé de sortir sa propre chanson sensuelle sur fond d'ambiance latine. Jungle Fever n'a pas connu d’heure de gloire en Belgique, mais elle est devenue un tube aux États-Unis et est considérée comme l'une des chansons précurseurs du disco. Écoutez I Feel Love de Donna Summer et vous comprendrez tout de suite. Le film Boogie Nights, sur l'industrie du porno américain dans les années 1970, a donné un second souffle à Jungle Fever.

Regardez tout ce que vous aimez, où et quand vous voulez.

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