Virginie Efira, sublime Sibyl

On se souvient qu’en 2015, Le Figaro la qualifiait de « Jennifer Aniston belge ». En mai 2019, le magazine Telerama compare Virginie Efira à l'étoile américaine, Gena Rowlands. Du côté flamand, De Standaard s’étonne de ne pas connaître cette « actrice belge star en France ».  Personne ne résiste à Virginie Efira, dont le talent explose dans des rôles complexes de femmes cabossées.

Après avoir brillamment incarné une avocate, mère célibataire, dans « Victoria » (2016), Virginie Efira endosse un autre avatar, celui de Sibyl, sous les yeux d’une réalisatrice qui semble la connaître mieux que personne, Justine Triet.

Sybil, la quarantaine, est une ancienne romancière qui s’est reconvertie en psychanalyste. Désireuse de recommencer à écrire, Sibyl annonce à chacun de ses patients qu’elle arrête ses consultations. C’est alors qu’entre en scène Margot (Adèle Exarchopoulos), une comédienne en détresse, que Sibyl ne parvient pas à repousser. Embarquée dans une nouvelle analyse avec Margot, Sibyl trouve en sa jeune patiente, tout feu tout flamme, la parfaite héroïne pour son nouveau roman. Au risque de se perdre…

Ecrit par Justine Triet et Arthur Harari, le scénario tragi-comique de « Sibyl » s’aventure dans les chassé-croisé et les jeux de miroirs entre les protagonistes. Margot est amoureuse d’Igor (Gaspard Ulliel) un comédien célèbre qui l’a aidée à décrocher son premier rôle au cinéma. Ils s’aiment, mais leur relation doit rester secrète, car Igor est le compagnon de la réalisatrice du film (Sandra Hüller), dans lequel les tourtereaux jouent… Lors du tournage, sur l’île de Stromboli, la situation dérape et Sibyl est appelée à la rescousse pour raisonner Magot. Pour Sibyl, rien ne va plus : hors de son cabinet et du cadre déontologique, elle joue des secrets des uns et des autres et en devient, elle-même, l’instrument.

Absorbée par son prochain livre, Sibyl délaisse sa famille, jusqu’à ce que s’écroulent les frontières entre fiction et réalité. Entre manipulation et projection, la relation entre Margot et Sibyl ravive les souvenirs douloureux du passé de l’auteure-psy. Il y a le spectre de l’alcoolisme et de la mère, qui s’est donné la mort. Il y a aussi Edith (Laure Calamy), la sœur paumée mais terriblement attachante, que Sibyl abrite sous son toit. Enfin, les peines de cœur de Margot et Igor font écho à une folle passion vécue par Sibyl et Gabriel (Niels Schneider), le père de sa fille.

Si Sibyl est obsédée par Margot, c’est qu’elle lui renvoie des émotions enfouies et qu’elle est en manque d’intensité. Se remettre à écrire permet (comme autrefois l’alcool) à Sibyl de retrouver un état de transe. Et peut-être de remuer la matière pour se réconcilier avec son passé.

Elle nous avait émus dans « Un amour impossible » de Catherine Corsini, bluffés dans « Elle » de Paul Verhoeven et « Continuer » de Joachim Lafosse, fait rire dans « Le Grand Bain » de Gilles Lellouche. Dans « Sibyl », Virginie Efira creuse encore plus profond pour faire jaillir sa fougue, elle n’hésite pas à jouer sur le fil et à se mettre à nu. Reste aussi une scène de sexe mémorable, tournée avec Niels Schneider, son partenaire à la ville et à l’écran, dans laquelle la passion des amants s’embrase devant une cheminée.

V. N.
"Sibyl", de Justine Triet. Avec Virginie Efira, Adèle Exarchopoulos, Gaspard Ulliel, Niels Schneider, Laure Calamy. Produit par Les Films Pelleas et Scope Pictures.

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