Laurent Tirard: "Jean Dujardin se compare souvent à un labrador: on le lâche et il joue comme un enfant"

Cinéma | Dans "Le retour du héros", une épatante comédie en costumes, Laurent Tirard dirige Jean Dujardin et Mélanie Laurent.

Au lendemain de l’avant-première de son film à Bruxelles, nous avons rencontré Laurent Tirard. Né en 1968, il étudie le cinéma à la New York University. Spécialiste de la comédie, Tirard fait un carton avec "Le Petit Nicolas". Il réalise aussi "Mensonges et trahisons et plus si affinités", "Astérix & Obélix : Au service de sa Majesté". Son film précédent, "Un homme à la hauteur", réunissait Jean Dujardin et Virginie Efira.

De Pickx

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L'imposture du héros
Le capitaine Neuville (Jean Dujardin) est un lâche, un déserteur. Grâce à l’intervention d’une ingénieuse jeune femme (Mélanie Laurent), il devient une figure de légende. Elisabeth tire les ficelles du récit jusqu’à ce que son héros lui joue des tours et la dépasse…
Dans ce film enlevé, Jean Dujardin prend un plaisir fou à jouer le cabotin, l'escroc sans scrupules, face à Mélanie Laurent, convaincante dans son premier grand rôle dans une comédie. "Le retour du héros" est un film d'aventures, une comédie romantique en costumes, un vrai plaisir canaille !

Lisez ci-dessous l'interview du réalisateur Laurent Tirart par V. Nimal

Comment s’est passée l’avant-première de votre film hier à Bruxelles ?

L.T. : "Pendant la projection, avec Jean Dujardin, c’était un tel plaisir de voir les réactions du public à l’UGC. Il riait beaucoup. Il y a un truc particulier en Belgique : vous êtes beaucoup plus décomplexés dans le rapport à la comédie. Alors qu’en France, par rapport au rire, il y a un certain snobisme, on « s’autorise » à rire".

Même avec de grands noms au casting, vous avez eu des difficultés à monter ce film. Pourquoi ?

L.T. : "Je pensais naïvement que tout le monde allait trouver l’idée super, de refaire une comédie en costumes, remise au goût du jour. On n’a pas vu ce genre de films depuis vingt à trente ans. Les producteurs me disaient : il faut faire du cinéma contemporain, les gens veulent se voir à l’écran, voir leur vie, leurs problèmes. Je répondais non, il y a la télévision pour ça. Quand je vais au cinéma, c’est pour être surpris pour rêver, pour être émerveillé. Bien sûr, mon film se passe en costumes, au XIXe siècle, mais c’est un film foncièrement moderne, une façon détournée de parler de ce qui se passe aujourd’hui".

Votre idée première était de faire un film en costumes sur un ton contemporain ?
L.T. : "Il y avait deux options. Soit vous décidez de faire de la reconstitution historique : un biopic ou un film presque documentaire, sur une époque. L’autre option, c’est de faire un film en costumes. Le costume est un formidable déguisement pour parler différemment d’aujourd’hui. Le spectateur est bombardé par les infos au quotidien, oppressé par les problèmes hommes femmes… Mais si on lui montre un film qui se passe au XIXe siècle et que, de façon maline, on aborde ce problème en le faisant rire, c’est gagné ! Sur les 7 films que j’ai faits, il y en a 5 en costumes".

Vous avez dit "Elisabeth c’est moi" !

L.T. : "J’aime les personnages féminins très forts. Elisabeth, le personnage de Mélanie Laurent s’inspire de romans de Jane Austen, très modernes, toujours en décalage avec leur époque, et pour lesquels j’ai une passion. Il faut croire que j’ai un côté féministe".

Elisabeth est aussi une artiste à l’imagination débordante : elle tire les ficelles de cette histoire…
L.T. : "Elisabeth est une artiste, mais elle est condamnée à se faire voler la vedette par sa créature, le capitaine Neuville ! Beaucoup d’artistes doivent se reconnaitre dans cette héroïne qui œuvre dans l’ombre face à quelqu’un d’autre, dans la lumière, qui récolte le fruit de son travail".

Vous offrez un premier grand rôle de comédie à Mélanie Laurent
L.T. : "Elle avait très envie de faire le rôle d’Elisabeth, mais elle n’avait jamais fait de comédie. Très vite, j’ai vu la complicité entre Jean Dujardin et Mélanie Laurent, deux grands professionnels et gros bosseurs. Mélanie était consciente d’avoir une réputation un peu négative, qu’elle ne comprend pas, et elle voulait rompre avec cette image. Elle a beaucoup d’humilité. Elle est aussi très drôle dans la vie. Elle ne s’énerve jamais. Elle avait peur de tourner une scène où elle doit péter les plombs et s’inquiétait de ne pas y arriver. C’est touchant de voir le doute d’un acteur".

Quelles sont les difficultés propres à la comédie ?

L. T. : "Pour moi, fan de comédies américaines des années quarante, le rythme est très important. J’aime quand les dialogues fusent. Il faut savoir à quel moment on en fait trop, ou pas assez. C’est très compliqué. Parfois, on croit qu’une scène est drôle, puis, au montage, on voit qu’elle ne l’est pas tant que ça. On se rend parfois compte qu’une scène jouée très à plat est plus drôle. Enfin, si on ne fait que rire, le film s’essouffle. Il faut trouver le bon dosage entre rire et émotion, que cela ait du sens".

Et il faut que l’on éprouve de l’empathie pour vos personnages?
L. T. : "C’est très important. Je n’aime pas la comédie où l’on se moque des gens. J’aime qu’on ait de l’empathie pour tous les personnages quels qu’ils soient, même les méchants. Il faut qu’ils soient rachetés, qu’on se dise j’aurais fait la même chose que lui".

Comment dirige-t-on Jean Dujardin ?

L.T. : "Idéalement, la direction de l’acteur se passe avant le film. Jean Dujardin a été impliqué dès le début, dès l’écriture. Quand nous tournions « Un homme à la hauteur », je lui ai parlé de mon projet. Tout de suite, on s’est mis d’accord pour faire et produire « Le retour du héros » ensemble. Jean a fait des commentaires sur son personnage, avant et pendant les séances de lectures, il prenait des notes… C’est rare que les choses se passent comme ça. Sur le plateau, Jean était très investi par le personnage du capitaine Neuville... Il se compare souvent à un labrador : on le lâche et il joue, il joue, comme un enfant ! Parfois on lui dit : Jean, fais-en peut-être un peu moins, (ou peut-être un peu plus)".

Jean Dujardin dit que votre film est une "comédie populaire, sophistiquée et assumée". Vous êtes d’accord?
L.T. : "Populaire, oui. Sophistiquée, dans le sens élégant, avec un souci des costumes, du décor… Ma grande influence, c’est Jane Austen. On est beaucoup dans le second degré, parfois ça se joue dans le silence. Et l’image a une grande importance, ce qui est rare en comédie".  

Il y a aussi un côté western dans votre film.
L.T. : "Dès la première scène, en l’écrivant, je pensais à « La prisonnière du désert » de John Ford. Elisabeth avance dans le hall du château et, par la porte, on voit arriver le capitaine Neuville à cheval : c’est l’appel de l’aventure… Au fur et à mesure que j’écrivais, je sentais des influences western entrer dans mon scénario… Il y a aussi cette scène de diligence, avec le capitaine pouilleux, qui ressemble à Cheyenne dans « Il était une fois dans l’Ouest » de Sergio Leone".

Avez-vous envie d’écrire et réaliser une série ?

L. T. : "Bien sûr. J’y ai déjà touché un peu en réalisant deux épisodes de la série "Dix pour cent" (dans la saison 2, l’épisode avec Virginie Efira et l’autre avec Fabrice Luchini). Je regarde plus de séries télé que de films. Aujourd’hui, tout se passe dans les séries. C’est là que se trouve l’innovation. Au cinéma je suis rarement surpris, alors qu’une série comme "La servante écarlate" m’épate. La série aujourd’hui, ce n’est plus France 2 et TF1, jamais je n’aurais signé pour ces chaines qui fonctionnent à l’audimat. HBO a révolutionné tout cela, ils veulent d’abord la qualité. Puis il y a eu Netflix, Amazon, etc. Ils osent. Alors que le cinéma n’ose plus. Je suis allée voir Netflix à Los Angeles en décembre. Mon projet devrait être tourné en Europe… J’ai très envie de le faire".

V. N.
« Le retour du héros » sort en salle le 14 février 2018. Un film de Laurent Tirard avec Jean Dujardin, Mélanie Laurent, Noémie Merlant, Christian Bujeau, Féodor Atkine… Production JD Prod - Les films sur Mesure.

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