Michel Blanc, beaucoup plus qu’un acteur. "Mon rêve, c’est de surprendre les gens et qu’ils aiment ça"

Cinéma | Interview de Michel Blanc à l’occasion de la sortie du film « Un petit boulot », une comédie noire particulièrement amorale et bien ficelée. Michel Blanc revient en force avec « Un petit boulot », à la fois comme scénariste et comme acteur. Dans le rôle de Gardot, un truand au sourire inquiétant, il tient Jacques (Romain Duris) par ses dettes de jeu et l’enferme dans un engrenage dangereux.

De Pickx

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Séduit par le roman de Iain Levinson, "Un petit boulot", Blanc l’a adapté et en a écrit des dialogues acérés et percutants. Pour défendre cette comédie réalisée par Pascal Chaumeil ("L’Arnacoeur"), tragiquement décédé avant la sortie du film, Michel Blanc est venu en Belgique. Rencontre avec Michel Blanc, le jour de l’avant-première du film à Bruxelles.

"Un petit boulot" est un film coproduit par Proximus, avec la participation de Wallimage. Ce film est disponible sur la chaîne Movies & Series Pass de Proximus TV. Allez sur le canal 13 et appuyez sur le bouton rouge pour commander le M&S Pass.

Michel Blanc scénariste

Proximus TV: Qu’est-ce qui vous a attiré dans le roman de Iain Levison pour vouloir l’adapter ?
Michel Blanc : C’est ce mélange des genres, qui n’est pas très français à priori. D’un côté, la réalité sociale est exprimée violemment dans le roman de Levison, c’est un auteur écossais anticapitaliste, mais je ne pouvais pas garder autant de violence dans le scénario. De l’autre, je m’intéressais à l’aspect comique du roman, la porte ouverte à la comédie. Il y a des scènes vraiment drôles dans le roman. Tous les personnages font des choses incroyables avec un mélange de maladresse et de candeur ; ça n’est jamais tout à fait ce qu’on attend.

Je voulais écrire une comédie. Je suis pas Ken Loach, je ne voulais pas faire un film social sur la désertification, le chômage, les fermetures d’entreprises, mais je voulais que ce soit  la toile de fond du film. C’est pour ces raisons que Jacques (joué par Romain Duris) accepte le petit boulot que je lui propose : tuer ma femme.

Michel Blanc dialoguiste

- Proximus TV : Les personnages sont très ambigus.
- Michel Blanc : Les personnages ne sont pas gris, ils sont noir et blanc. Ce sont des fêlés. J’adore ça ! La clef de cette folie s’illustre quand Jacques dit « J’ai toujours été honnête jusqu’au bout des ongles, j’ai dit que je la tuerais, alors je la tuerais ».
On voit bien que c’est un fêlé. Mon personnage (celui du gangster Jacques Gardot) fait tuer sa femme parce qu’elle le trompe, mais il porte le deuil parce qu’il est malheureux d’avoir perdu sa femme.

Michel Blanc acteur

- Proximus TV : Saviez-vous en écrivant le scénario, que vous alliez interpréter un rôle ?
- Michel Blanc : Ah non ! Quand on m’a proposé de jouer Gardot, le bandit, j’ai dit non. J’avais en tête un personnage plus menaçant physiquement.  

En réalité, quand Pascal Chaumeil, le réalisateur, a pris le scénario en main et en a fait son film, il a insisté. Il trouvait cela intéressant que je joue un truc que je n’avais jamais fait. Effectivement, je me suis beaucoup amusé à le faire, je me suis posé des questions, avec lui, on a travaillé ensemble pour que ce personnage soit construit… J’ai adoré ça.

Michel Blanc dans la peau de Gardot

- Proximus TV : Quand vous êtes un acteur dans le film que vous avez scénarisé, comment faites-vous la part des choses ?
- Michel Blanc : Alors je ne m’occupe de rien d’autre, je ne suis plus qu’un acteur. Je n’interviens surtout pas par rapport à la mise en scène. Sinon, je n’avais qu’à réaliser le film moi-même.

Pascal Chaumeil n’avait pas besoin de conseil. C’est un metteur en scène qui avait le talent, l’expérience, l’intelligence, l’humour pour réaliser « Un petit boulot ». Ses choix étaient bons et le casting formidable : Pascal a trouvé des acteurs qui ne sont pas exactement ce qu’on attendrait. Gustave Kervern, Charlie Dupont, Philippe Grand'Henry, Alex Lutz, ils sont extrêmement surprenants.

Faire rire par les dialogues

- Proximus TV : Vos dialogues sont subtils et percutants. Vous les lisez à haute voix en les écrivant ?
- Michel Blanc :
Vous me ravissez ! En fait, je les lis dans ma tête, je me les joue, et j’imagine la scène filmée. Le fait d’être acteur aide à ne pas écrire des dialogues impossibles, lourds, alambiqués, trop longs… Il faut que ça swingue !

Un duo cocasse

- Proximus TV : Avec Romain Duris, vous formez un duo surprenant.
- Michel Blanc :
D’autant plus que nous ne nous sommes jamais côtoyés auparavant. Je connaissais la carrière de Romain Duris, mais je n’avais discuté avec lui. Quand Pascal m’a dit qu’il lui proposerait le rôle principal, j’ai pensé que Romain Duris amènerait quelque chose, de la profondeur à la rage interne qui motive ce type.
Nous sommes deux animaux totalement différents, Romain et moi. Et sur un plateau, ça collait.

Une étrange complicité

- Proximus TV : Jacques (Romain Duris) est un ouvrier qui a perdu son boulot et survit de petits larcins. Il a presque tout perdu quand surgit Gardot… Quelle est la nature de leur relation ?
- Michel Blanc :
Au bout du compte, Gardot, le personnage que je joue, a une relation presque paternelle avec Jacques. On sent qu’il l’aime vraiment bien et qu’il a envie qu’il s’en sorte. Même si c’est par des moyens pas terribles qu’il essaie de l’aider. Dans une des scènes finales, quand je lui demande s’il est amoureux, Jacques ne veut pas répondre, alors je lui dis : « tu sais, j’aimerais bien que tu trouves quelqu’un et que tu sois heureux ». Ces personnages sont tous à double facette.

Un gangster souriant

- Proximus TV : Votre personnage, Gardot est un gangster ambigu, mais pas un psychopathe...
- Michel Blanc :
Gardot est très tordu !  Les personnages équilibrés sont moins amusants à jouer. Les tordus plausibles et surprenants, c’est passionnant à jouer parce que cela se dose au millimètre ; à tout moment, il faut se demander : suis-je allé trop loin, suis-je trop gentil, assez dur ? Sur chaque réplique, je me suis posé la question.

Un rôle très difficile

- Proximus TV : En regardant votre carrière d’acteur, vous aviez déjà eu un rôle de ce genre, aussi difficile ?
- Michel Blanc :
Difficile oui, mais pas pour la même raison. Je pense à des rôles que j’ai eus dans "L’exercice de l’état", c’était difficile à jouer, comme dans "Tenue de soirée" ou "Monsieur Hire", mais dans ce cas-là, je n’avais pas besoin de faire rire les gens, je devais juste faire en sorte que les gens ne s’ennuient pas, ce qui est un défi quand on parle très peu et qu’on ne bouge pas le visage… Avec Gardot, je devais faire rire.

- Proximus TV : Gardot a toujours le sourire, c’est dérangeant…
- Michel Blanc : Oui. C’est dans le roman, d’ailleurs je l’ai gardé en voix off : Jacques dit « il sourit tout le temps Gardot, c’est pour ça qu’on l’aime bien. » Même si de temps en temps il s’énerve…

Michel Blanc réalisateur

- Proximus TV : Aujourd’hui, quelle place préférez-vous dans le cinéma ? Réalisation, écriture, comédie ?
- Michel Blanc :
Joker ! Il y a des moments où j’ai envie de jouer. D’autres où j’ai envie d’écrire. Je pensais que je n’étais plus capable d’écrire autre chose qu’une adaptation. En ce moment, j’écris une création. Je pars de zéro histoire et je la construis moi-même…  J'aime ça, mais peut-être qu’elle sera refusée par les gens pour qui je l’ai écrite.

Le dernier film que j’ai mis en scène était "Embrassez qui vous voudrez", en 2001 (photo). La mise en scène recommence à me manquer. Voir Dany Boon sur un plateau, sur le tournage de « Raid Dingue », son nouveau film dans lequel je joue, ça me donne envie !

Les gens me disent : vous n’avez pas mis en scène depuis quinze ans, comme s’ils me disaient vous n’avez pas travaillé depuis quinze ans… mais j’ai joué plein de rôles passionnants ; bien sûr,  j’ai lu beaucoup de romans, mais je n’ai pas trouvé la bonne histoire à adapter. Je peux prendre un risque en jouant dans un film, cela représente deux mois de ma vie. Et si c’est raté, c’est raté. Alors qu’écrire un scénario et le réaliser, c’est un an et demi de ma vie, au moins. Et quand à la sortie, on vous annonce que les chiffres sont mauvais ou la presse pas bonne, vous avez l’impression d’avoir foutu un an et demi de votre vie en l’air…

Ce qu'apporte le succès ?

- Proximus TV : Vous êtes angoissé par rapport à la sortie de ce film ?
- Michel Blanc :
Oui, parce que j’y tiens plus que de raison : je  n’en suis pas le metteur en scène et j’ai un petit rôle, important, mais petit. Le fait que ce film soit orphelin, ça me touche beaucoup. J’essaie d’être un second papa pour « Un petit boulot ».
(Note de la rédaction: le réalisateur d’"Un petit boulot", Pascal Chaumeil, que l'on voit sur cette photo, est décédé le 27 août 2015, un an avant la sortie du film).

J’aimerais vraiment qu’il rencontre le public, que ce soit un succès. Cela me libérerait dans la progression de ce que je peux faire : j’aimerais jouer des rôles différents, même dans la comédie, des rôles encore plus gonflés, plus originaux. Si ce film marchait, il m’ouvrirait peut-être des portes qui sont encore verrouillées par moi-même.

Défendre le film de Pascal Chaumeil, trop tôt parti...

- Proximus TV : Mais à chaque rôle, vous nous surprenez…
- Michel Blanc : Mon rêve, c’est de surprendre les gens, dans le bon sens, et qu’ils aiment ça. Et prendre du plaisir à le faire. Mais pour cela, il faut que j’aie peur, car si je n’ai pas peur, cela veut dire que j’ai déjà fait ce genre de rôle ou que cela ne m’intéresse pas. Il faut un bon metteur en scène, comme Pascal Chaumeil, qui a eu le cran de me dire : "je sais que tu peux le faire"…
De plus, mon scénario d’"Un petit boulot" a été filmé comme il fallait, si j’ose dire : ça colle tout à fait à mon scénario. Maintenant, il ne reste plus qu'à prier pour qu'il ait du succès.

 Interview de Valérie Nimal pour Proximus TV.
"Un petit boulot" est un film coproduit par Proximus, avec la participation de Wallimage. Lire aussi la chronique sur le film "Un petit boulot".

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