Interview: Bernard Bellefroid et Lucie Debay (Melody)

Cinéma | Nous avons rencontré le réalisateur Bernard Bellefroid et l’actrice Lucie Debay pour la sortie du film Melody. Extraits choisis.

De Pickx

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Interview : Bernard Bellefroid et Lucie Debay (Melody)

Le réalisateur belge Bernard Bellefroid signe un film profond, qui aborde le thème des mères porteuses et de la filiation. Melody est un drame sensible et lumineux, entièrement porté par deux actrices, l’une anglophone, Rachael Blake et l’autre francophone, Lucie Debay. Toutes les deux ont reçu le Prix d’interprétation Féminine au Festival des films du monde à Montréal 2014.

Ce film, co-produit par Proximus, sort le 25 mars 2015 dans les salles de cinéma. Nous avons rencontré le réalisateur Bernard Bellefroid et l’actrice Lucie Debay. Extraits choisis.

Lisez aussi notre critique du film.

V. Nimal

Interview de Bernard Bellefroid

Après le film La Régate (2009), qui cernait les relations violentes d’un père envers son fils, Bernard Bellefroid plonge dans un univers féminin. Celui de Melody, sans abri, et d’Emily, qui rêve d’avoir un enfant.

- Quelle est la genèse du film Melody ?

Bernard Bellefroid :
"Suite à un fait divers qui s’est passé en Belgique (un jeune couple, qui avait mis un enfant à vendre sur eBay), j’ai eu eu envie de parler du sujet. (…) J’ai essayé d’amener plus de complexité sur le sujet des mères porteuses. Je voulais toucher là où ça fait mal."
"Quand je tournais La régate en 2008, il y avait déjà une terrible crise en Europe. Je me suis demandé, si les banques ne prêtaient plus d’argent à personne, comment les gens pouvaient s’en sortir ?"

Interview de Bernard Bellefroid

-    Comment est né votre film, Melody ?

Bernard Bellefroid :
"Melody, c’est un personnage qui a envie de faire quelque chose de sa vie, sans l’aide de personne. Comment en temps de crise, mon personnage pouvait s’en sortir ? Par la prostitution ? Vendre son rein ? Ses ovocytes ? Quand il n’y a plus de travail ni de capital pour financer un projet, il reste l’organique, le corps. J’en suis venu à imaginer que Melody utiliserait cette situation pour s’en sortir."

- Melody et Emily sont très seules. L’une est pauvre, l’autre est riche. Elles ont une obsession : l’une veut ouvrir son salon de coiffure, l’autre avoir un bébé. Comment leur rencontre était-elle possible ?

Bernard Bellefroid :
"Le peu que j’ai lu sur les mères porteuses, ce n’est pas seulement qu’elles ont une envie d’argent, il y a derrière un besoin de créer quelque chose… un lien avec autrui. Il y a aussi d’autres obsessions dans les 4 films que j’ai réalisés : la tension entre les liens du sang et les relations qu’on peut s’inventer, le père et la mère qu’on peut s’inventer. Mais le sujet réel de Melody est une histoire d’adoption croisée entre ces deux femmes."

Interview de Bernard Bellefroid

-  Quel genre d'actrice cherchiez-vous pour incarner Melody?

Bernard Bellefroid :
"Pour jouer Melody,  j’avais envie d’une comédienne proche de moi, qui voulait « chercher ». Lucie Debay, c’est son premier grand rôle au cinéma. Elle a fait beaucoup de théâtre, en France et en Belgique. Lucie a un truc magnétique, immédiat, une certaine résistance…"

-  Et pour jouer Emily ?

Bernard Bellefroid :
"Pour le rôle d’Emily, j’ai fait appel à une directrice de casting anglaise, Kahleen Crawford, qui travaille pour Ken Loach. Rachael Blake est australienne. Elle a tout de suite voulu faire un essai et apprendre le français, phonétiquement… C’était un fameux voyage pour elle. Et c’était d’autant plus intéressant de jouer dans les deux langues ; les langues sont comme des personnages : en cas de conflit, l’une attire l’autre sur sa langue, comme un moyen de faiblesse."

-  Pourquoi avez-vous choisi de situer l’histoire en Angleterre?

Bernard Bellefroid :
"Je voulais mettre deux empires face à face : l’Angleterre qui autorise (dans des conditions strictes) la gestation pour autrui, et la France qui permet l’accouchement sous X. Si j’ai situé en grande partie mon histoire en Angleterre pour des questions de vraisemblance, je voulais aussi raconter l’histoire de deux langues, celle de Melody  et celle d’Emily."

Interview de Lucie Debay

-  D’où venez-vous ?  
Lucie Debay :
"Je suis née au Mans. J’ai vécu en France, puis à l’étranger avec ma mère. Elle est française, mon père est belge, je suis franco-belge. J’ai beaucoup voyagé dans mon enfance."
 
- Quand est née votre envie de jouer ?

Lucie Debay :
"C’est venu assez tard, peut-être que je n’osais pas… Comme j’ai vécu longtemps, en Asie, puis en Afrique, quand je suis revenue en France, j’étais très mauvaise en français, et timide. Je ne pensais pas au théâtre. J’ai commencé par des études sportives, j’étais forte en basket, mais au bout de deux ans, je me suis demandé ce que je faisais. A 17 ans, je me suis inscrite avec une amie à un stage, pour apprendre à filmer. On devait filmer des gens, chacun devait improviser, le prof du stage et mon amie m’ont poussée à jouer et encouragée. Après, j’ai fait l’INSAS, puis j’ai beaucoup joué au théâtre, en France et en Belgique."

Interview de Lucie Debay

-  Melody est en perpétuel mouvement, en tension. Comment vous êtes-vous préparée physiquement?

Lucie Debay :
"
Je prends beaucoup de cours de danse à Bruxelles; comme c’est la capitale de la danse, il y a beaucoup de cours et ça ne coûte pas très cher : Jette centrum, PARTS, et aussi La Raffinerie (Charleroi danse)… J’adore me retrouver au milieu de danseurs professionnels, et je commence à avoir un bon niveau."

"Au début du film, Melody allait beaucoup à la piscine, alors je me suis mise à nager souvent. Comme le film a été repoussé quelques fois, et que j’avais envie de commencer, je pouvais me rendre à la piscine pour me préparer et penser à ce rôle."
 
- Comment vous êtes-vous préparée à l’idée de la grossesse?

Lucie Debay :
"C’est assez particulier. J’avais des faux ventres, chez moi. Melody fonce dans ce projet de mère porteuse… elle prend cette décision et tout de suite, à la première insémination, elle tombe enceinte. Mais Melody ne « rêve » pas d’être enceinte… et moi je n’ai jamais eu d’enfant. J’ai passé du temps avec des femmes enceintes, ça réveillait des trucs en moi."

Interview de Lucie Debay

-   Comment cela s’est-il passé avec Bernard Bellefroid?
Lucie Debay :  
"Bernard est très à l’écoute de ses actrices, très présent. J’ai eu accès à plusieurs versions du scénario, ilme demandait mon avis… J’avais envie qu’il ne me lâche pas, qu’il me pousse. Bernard m’a montré un film d’Ingmar Bergman, Sonate d’automne. Le regard est proche de la caméra, comme dans Melody, la caméra m’effleure… La première semaine de tournage, j’avais peur. Puis, petit à petit, je me suis sentie portée."
 
-   Comment avez-vous construit le duo Emily-Melody?  
Lucie Debay :
"Nous avons commencé à répéter par Skype. Rachel était en Australie, au début des répétitions. Elle est venue deux mois avant le tournage, puis pendant une semaine, nous avons répété, trouvé un vocabulaire commun, donnait la réplique sur l’écran."
"Je parlais déjà anglais, alors que Rachel a appris le français. Très vite, Rachel a été généreuse avec moi, c’était ma première grosse expérience au cinéma (même si j’avais déjà fait un long métrage, mais c’était improvisé, entre amis)… Rachel m’a fait complètement confiance, je trouvais ça incroyable, son écoute."

Interview de Lucie Debay

- Avez-vous un mantra (une phrase porte-bonheur) quand vous jouez?

Lucie Debay :
"C’est drôle que vous me posiez cette question. Ma mère est une nonne bouddhiste, elle suivait son maître zen partout. J’ai grandi dans la méditation, je connais beaucoup de chants bouddhistes, mais je ne les utilise pas du tout."

Lucie Debay rit, et poursuit :
"Lors du tournage, j’avais quand même un rituel (de méditation), pendant les séances de maquillage sur mon ventre nu, qui pouvaient durer sept heures, où j’étais nue, debout, à attendre qu’on me maquille… Je me concentrais. Je pouvais tenir très longtemps dans cette position, jusqu’à ce que j’explose. Dans le théâtre, on m’a dit que j’avais un côté mystique en moi. J’ai grandi la dedans effectivement : enfant, j’allais dans les camps zen."

- Comment voyez-vous votre prochain rôle?
Lucie Debay :
"J’aimerais prendre un risque, entrer dans une nouvelle aventure, j’aime bien l’idée d’apprendre quelque chose pour un rôle."


Interview de V. Nimal pour Skynet Tv - Proximus TV.
Lire aussi notre critique du film.

Fiche du film Melody

Melody est un film de Bernard Bellefroid. Le scénario a été écrit par Bernard Bellefroid et Carine Zimmerlin, en collaboration avec Anne Louise Trividic et Marcel Beaulieu. Melody est co-produit par Proximus.

Ce film a remporté plusieurs prix :
Prix du public Long métrage de fiction Festival International du Film Francophone de Namur 2014.
Prix Cinevox pour un long métrage belge Festival International du Film Francophone de Namur 2014.
Prix d’interprétation Féminine pour Rachael Blake et Lucie Debay, Festival des films du monde, Montréal 2014.
Mention Spéciale du jury œcuménique, Festival des Films du Monde, Montréal 2014.

Le réalisateur
Bernard Bellefroid est un réalisateur belge né à Liège en 1978, il a fait des études de réalisation à l’INSAS et a été lauréat de la
Fondation belge de la vocation en 2003. Il a également réalisé en 2009 La régate (scénario lauréat de la fondation Beaumarchais, Prix du Public et Jury Junior FIFF Namur 2009, Prix du Public Festival « Premiers Plans » d’Angers 2010, Sélection en compétition Festival de Rome 2009). Il est aussi l’auteur de deux documentaires et d’un court-métrage.

Les actrices de Melody

Rachael Blake (Emily)
Actrice australienne, née le 26 mai 1971 à Perth. Elle a étudié le théâtre au NIDA (Sydney). Reconnue pour ses nombreuses
participations à des séries télévisées britanniques, américaines et australiennes, entre autres : Le Prisonnier, Inspecteur Lewis, The Diplomate, Les Flingueuses. Elle poursuit parallèlement une carrière internationale au cinéma.

Lucie Debay (Melody)
Lucie Debay, 30 ans, diplômée de l’INSAS en 2009, a beaucoup joué au théâtre, entre autres pour Armel Roussel, Falk Richter, Vincent Hennebicq, Claude Schmitz, Jean-Baptiste Calame et Manah Depauw. Au cinéma, elle a interprété le premier rôle du long-métrage d’Olivier Boonjing Somewhere Between Here and Now, et a joué dans plusieurs courts métrages, notamment A New Old Story d’Antoine Cuypers (Prix du meilleur court métrage au FIFF 2012).

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